The Hours est le titre initial imaginé par Virginia Woolf pour Mrs Dalloway.
The Hours est le titre d'un roman de Michaël Cunningham, une réécriture romanesque qui célèbre Mrs Dalloway.
The Hours est aussi le titre de l'adaptation filmique de Stephen Daldry.
Deux réécritures donc pour Mrs Dalloway, une façon pour nous d'entrer doublement dans la question des réécritures qui est au programme de la série littéraire...
Trois critiques suivent, positives ou négatives.
Parce qu'une critique doit avant tout éclairer l'oeuvre.
Parce qu'il n'y a pas de "bonne" réponse en la matière...
Trois femmes. Trois
époques. Trois destinées nous sont contées, entretissées les unes aux
autres.
Une journée de la vie de Virginia Woolf, alors qu'elle vient de commencer à écrire "Mrs Dalloway".
Une journée de la vie de Laura Brown, ménagère américaine et lectrice assidue, alors qu'elle vient d'entamer la lecture de ce même "Mrs Dalloway".
Et une journée de la vie de Clarissa Vaughan, éditrice New Yorkaise, Clarissa comme l'héroïne de Virginia Woolf, ce qui lui vaut d'être surnommée Mrs Dalloway par son ami Richard.
Trois journées ordinaires, pendant lesquelles il ne se passe que très peu de choses. C'est à peine si un événement, une visite, une rencontre, quelques phrases lues dans un livre, viennent en troubler le déroulement, suscitant dans l'âme des trois héroïnes de Michael Cunningham un flux et un reflux d'émotions contradictoires, peur et fascination, désir et répulsion. Une lente méditation sur l'amour et la mort... La mort d'un être aimé ou bien celle qu'on choisit dans une ultime tentative pour se libérer d'une existence vide ou prise au piège de la maladie.
Aimant l'oeuvre de Virginia Woolf, j'ai longtemps hésité à lire le roman de Michael Cunningham. Par peur de n'y trouver qu'un pâle ersatz de l'oeuvre originelle. Ou pire, une suite d'un goût douteux à un livre qui est sans aucun doute un chef-d'oeuvre de la littérature anglaise. Ces craintes n'étaient pas fondées. Michael Cunningham possède tout le talent, toute la sensibilité nécessaires pour atteindre à la délicatesse, à la finesse de perception, avec lesquelles Virginia Woolf parvenait à capturer des instants ténus, sans rien perdre de leur charge de vie et d'émotions. Mais dans le même temps, Michael Cunningham possède une personnalité assez forte pour imposer son propre regard et son propre style.
C'est vraiment du tout grand art. Et "Les heures" est à la fois un magnifique hommage à Virginia Woolf et un très beau roman... Sensible... Sensuel... Frémissant...
Je suis bien contente d’avoir lu «Mrs Dalloway» avant ! Je pense que la lecture de «The Hours» prend tout son sens si on a lu Woolf, parce que le livre y fait constamment référence, de façon implicite ou non, au niveau de l’histoire, du style... Mais en même temps, je pense qu’on peut tout à fait apprécier le livre sans cela.
Il faut un peu connaître l’histoire de V.Woolf cependant. Là c’est pas bien compliqué, il suffit de savoir qu’elle faisait partie du Bloomsbury Group (un groupe d’intello qui se la pétait un peu et où tout le monde batifolait avec tout le monde), qu’elle avait des crises de folie (pendant lesquelles elle entendait des oiseaux chanter en grec) et qu’à cause de ses problèmes de santé, elle s’est retrouvée bloquée dans la banlieue de Londres qu’elle ne supportait pas (comme je la comprends). Elle finit par se suicider par noyade dans la rivière Ouse en 1941. Elle a révolutionné en littérature le modernisme dit britannique, avec sa technique d’écriture («the stream of consciousness») par laquelle elle explore les pensées les plus profondes de ses personnages.
J’ai trouvé le style de Cunningham admirable, inspiré de Virginia Woolf, mais pas vulgairement imité de. Il ne suffit pas de faire de longues phrases états d’âme en commentant de temps à autre le paysage pour recréer la complexité des personnages woolfiens. Cunningham réussit à traduire le flot de pensée de ses héroïnes solitaires en adoptant à chaque fois un ton s’accordant avec leur propre environnement. Et pour aboutir au même résultat : l’exploration en profondeur de ses personnages, de leurs souffrances, de leur amour, qui contraste vivement avec leur rôle social se révélant pur masque. Tout transparaît à travers de petits gestes, de petites observations. Et l'on flotte avec elles, l'on vit leur rêve éveillé avec elles ! Qui se douterait que derrière Laura Brown, la mère au foyer lisse et aimante, se cache une femme prête à tout plaquer mais épouvantée par cette perspective? On voit comment la confection d’un gâteau traduit cette détresse. En même temps, il y a des scènes qui, si elles sont peu spectaculaires, sont très marquantes : quand Virginia organise les funérailles d’un oiseau, quand Laura fait participer son garçon à la confection du gâteau, quand Clarissa tente de réjouir son poète.
L’auteur met également en lumière un grand principe de «Mrs Dalloway» : la connexion des «caves». V.Woolf disait en effet qu’elle creusait de grands tunnels derrière ses personnages, révélant leur moi le plus profond. Enfin, s’il fallait traduire exactement, faudrait dire «caverne» et pas «tunnel», mais c’est mon commentaire et je fais ce que je veux. Et tout l’intérêt de «Mrs Dalloway», c’est le lien souterrain et insoupçonnable entre les personnages, entre Clarissa Dalloway et Septimus. "The idea is that the caves shall connect, & each comes to daylight at the present moment.”
Et comme chez Woolf, on retrouve cette importance du sacrifice (suicide ou disparition) qui est en réalité un éloge de la vie.
Dans le film, les dernières paroles de V.Woolf expriment très bien cela :
« Dear Leonard. To look life in the face, always to look life in the face and to know it for what it is, at last, to know it, to love it for what it is, and then to put it away. Leonard, always the years between us, always the years, always the love, always the hours.”
Vies intérieures

Une journée de la vie de Virginia Woolf, alors qu'elle vient de commencer à écrire "Mrs Dalloway".
Une journée de la vie de Laura Brown, ménagère américaine et lectrice assidue, alors qu'elle vient d'entamer la lecture de ce même "Mrs Dalloway".
Et une journée de la vie de Clarissa Vaughan, éditrice New Yorkaise, Clarissa comme l'héroïne de Virginia Woolf, ce qui lui vaut d'être surnommée Mrs Dalloway par son ami Richard.
Trois journées ordinaires, pendant lesquelles il ne se passe que très peu de choses. C'est à peine si un événement, une visite, une rencontre, quelques phrases lues dans un livre, viennent en troubler le déroulement, suscitant dans l'âme des trois héroïnes de Michael Cunningham un flux et un reflux d'émotions contradictoires, peur et fascination, désir et répulsion. Une lente méditation sur l'amour et la mort... La mort d'un être aimé ou bien celle qu'on choisit dans une ultime tentative pour se libérer d'une existence vide ou prise au piège de la maladie.
Aimant l'oeuvre de Virginia Woolf, j'ai longtemps hésité à lire le roman de Michael Cunningham. Par peur de n'y trouver qu'un pâle ersatz de l'oeuvre originelle. Ou pire, une suite d'un goût douteux à un livre qui est sans aucun doute un chef-d'oeuvre de la littérature anglaise. Ces craintes n'étaient pas fondées. Michael Cunningham possède tout le talent, toute la sensibilité nécessaires pour atteindre à la délicatesse, à la finesse de perception, avec lesquelles Virginia Woolf parvenait à capturer des instants ténus, sans rien perdre de leur charge de vie et d'émotions. Mais dans le même temps, Michael Cunningham possède une personnalité assez forte pour imposer son propre regard et son propre style.
C'est vraiment du tout grand art. Et "Les heures" est à la fois un magnifique hommage à Virginia Woolf et un très beau roman... Sensible... Sensuel... Frémissant...
Lui, n'a pas peur de Virginia Woolf


Bilan
provisoire au matin du 18 juin 2007
Le pitch : Ce livre raconte une
journée dans la vie de trois femmes : Virginia Woolf dans l’Angleterre des
années 1920, Laura Brown dans la banlieue de Los Angeles des 50’s, et Clarissa Vaughan à New York de nos
jours. Tout semble séparer ces trois femmes. Seulement, leurs destins sont
intimement liés par « Mrs Dalloway »: l’une l’écrit, l’une le lit et l’autre le
vit. Trois portraits de femmes qui se superposent et s'entremêlent par-delà
l’espace et le temps.
Je suis bien contente d’avoir lu «Mrs Dalloway» avant ! Je pense que la lecture de «The Hours» prend tout son sens si on a lu Woolf, parce que le livre y fait constamment référence, de façon implicite ou non, au niveau de l’histoire, du style... Mais en même temps, je pense qu’on peut tout à fait apprécier le livre sans cela.
Il faut un peu connaître l’histoire de V.Woolf cependant. Là c’est pas bien compliqué, il suffit de savoir qu’elle faisait partie du Bloomsbury Group (un groupe d’intello qui se la pétait un peu et où tout le monde batifolait avec tout le monde), qu’elle avait des crises de folie (pendant lesquelles elle entendait des oiseaux chanter en grec) et qu’à cause de ses problèmes de santé, elle s’est retrouvée bloquée dans la banlieue de Londres qu’elle ne supportait pas (comme je la comprends). Elle finit par se suicider par noyade dans la rivière Ouse en 1941. Elle a révolutionné en littérature le modernisme dit britannique, avec sa technique d’écriture («the stream of consciousness») par laquelle elle explore les pensées les plus profondes de ses personnages.
J’ai trouvé le style de Cunningham admirable, inspiré de Virginia Woolf, mais pas vulgairement imité de. Il ne suffit pas de faire de longues phrases états d’âme en commentant de temps à autre le paysage pour recréer la complexité des personnages woolfiens. Cunningham réussit à traduire le flot de pensée de ses héroïnes solitaires en adoptant à chaque fois un ton s’accordant avec leur propre environnement. Et pour aboutir au même résultat : l’exploration en profondeur de ses personnages, de leurs souffrances, de leur amour, qui contraste vivement avec leur rôle social se révélant pur masque. Tout transparaît à travers de petits gestes, de petites observations. Et l'on flotte avec elles, l'on vit leur rêve éveillé avec elles ! Qui se douterait que derrière Laura Brown, la mère au foyer lisse et aimante, se cache une femme prête à tout plaquer mais épouvantée par cette perspective? On voit comment la confection d’un gâteau traduit cette détresse. En même temps, il y a des scènes qui, si elles sont peu spectaculaires, sont très marquantes : quand Virginia organise les funérailles d’un oiseau, quand Laura fait participer son garçon à la confection du gâteau, quand Clarissa tente de réjouir son poète.
L’auteur met également en lumière un grand principe de «Mrs Dalloway» : la connexion des «caves». V.Woolf disait en effet qu’elle creusait de grands tunnels derrière ses personnages, révélant leur moi le plus profond. Enfin, s’il fallait traduire exactement, faudrait dire «caverne» et pas «tunnel», mais c’est mon commentaire et je fais ce que je veux. Et tout l’intérêt de «Mrs Dalloway», c’est le lien souterrain et insoupçonnable entre les personnages, entre Clarissa Dalloway et Septimus. "The idea is that the caves shall connect, & each comes to daylight at the present moment.”
Et comme chez Woolf, on retrouve cette importance du sacrifice (suicide ou disparition) qui est en réalité un éloge de la vie.
Dans le film, les dernières paroles de V.Woolf expriment très bien cela :
« Dear Leonard. To look life in the face, always to look life in the face and to know it for what it is, at last, to know it, to love it for what it is, and then to put it away. Leonard, always the years between us, always the years, always the love, always the hours.”
Le poète
choisit de mourir pour garder intacte la vie, en lui et chez les autres. Mourir
pour des idées. Il y a ce moment extraordinaire où Virginia Woolf choisit
lequel de ses personnages dans «Mrs Dalloway» va être sacrifié :
« Clarissa will be bereaved, deeply lonely, but she will not die. She will be too much in love with life, with London. Virginia imagines someone else, yes, someone strong of body, but frail-minded; someone with a touch of genius, of poetry, ground under by the wheels of the world, by war, by government, by doctors; a someone who is, technically speaking, insane, because that person sees meaning everywhere, knows that trees are sentient beings and sparrows sing in Greek. Yes, someone like that. Clarissa, sane Clarissa – exultant, ordinary Clarissa- will go on, loving London, loving her life of ordinary pleasures, and someone else, a deranged poet, a visionary, will be the one to die." On sait que Virginia pense en même temps à son propre sacrifice et on ne peut s’empêcher de penser à cette scène très marquante qui ouvre «The Hours» : le corps de Virginia Woolf flottant comme un fantôme dans l’Ouse.
Malgré tout, je n’ai pas trouvé le livre triste. Je l’ai pris comme une réflexion sur la vie et sur les choix à faire pour lui faire honneur et affronter son destin.
On voit des personnages qui s’aiment, qui rient. Car ce livre est aussi un éloge de l’amour qui donne un sens à la vie des personnages. Et moi l’amour, je trouve ça cool.
Edit: Au diable la distance critique, lâchez tout et courez voir le film, achetez vous le film en dix exemplaires pour être sûrs que vous en aurez toujours un quoiqu'il arrive. C'est une véritable merveille, les acteurs sont juste fabuleux (mention spéciale à Nicole et son nez, Ed avec sa robe de chambre), la musique superbe, et tout le film finit par vous tordre les tripes d'émotion.
Verdict: Je relirai.
« Clarissa will be bereaved, deeply lonely, but she will not die. She will be too much in love with life, with London. Virginia imagines someone else, yes, someone strong of body, but frail-minded; someone with a touch of genius, of poetry, ground under by the wheels of the world, by war, by government, by doctors; a someone who is, technically speaking, insane, because that person sees meaning everywhere, knows that trees are sentient beings and sparrows sing in Greek. Yes, someone like that. Clarissa, sane Clarissa – exultant, ordinary Clarissa- will go on, loving London, loving her life of ordinary pleasures, and someone else, a deranged poet, a visionary, will be the one to die." On sait que Virginia pense en même temps à son propre sacrifice et on ne peut s’empêcher de penser à cette scène très marquante qui ouvre «The Hours» : le corps de Virginia Woolf flottant comme un fantôme dans l’Ouse.
Malgré tout, je n’ai pas trouvé le livre triste. Je l’ai pris comme une réflexion sur la vie et sur les choix à faire pour lui faire honneur et affronter son destin.
On voit des personnages qui s’aiment, qui rient. Car ce livre est aussi un éloge de l’amour qui donne un sens à la vie des personnages. Et moi l’amour, je trouve ça cool.
Edit: Au diable la distance critique, lâchez tout et courez voir le film, achetez vous le film en dix exemplaires pour être sûrs que vous en aurez toujours un quoiqu'il arrive. C'est une véritable merveille, les acteurs sont juste fabuleux (mention spéciale à Nicole et son nez, Ed avec sa robe de chambre), la musique superbe, et tout le film finit par vous tordre les tripes d'émotion.
Verdict: Je relirai.
* * *
Les heures qui m'ont ennuyée à mourir!

C'est à New-York, à la fin du XXe siècle.
C'est à Londres, en 1923
C'est à Los Angeles, en 1949.
Clarissa est éditrice.
Virginia, écrivain.
Laura, mère au foyer.

C'est à New-York, à la fin du XXe siècle.
C'est à Londres, en 1923
C'est à Los Angeles, en 1949.
Clarissa est éditrice.
Virginia, écrivain.
Laura, mère au foyer.
Encore un titre dont je repoussais la lecture, pour
une raison indéterminée, mais finalement, il semblait m'attendre à la
bibliothèque municipale, et je me suis dit : "allez je me
lance".
Je précise que je n'ai pas vu l'adaptation cinématographique,
c'est un premier point.
Le second point c'est que je me suis considérablement ennuyée...
Alors oui le postulat de départ est original, cette histoire parallèle entre trois femmes, à trois époques différentes, dont le lien est Mrs Dalloway, c'était une bonne trouvaille. Pour le reste ma foi...
Le second point c'est que je me suis considérablement ennuyée...
Alors oui le postulat de départ est original, cette histoire parallèle entre trois femmes, à trois époques différentes, dont le lien est Mrs Dalloway, c'était une bonne trouvaille. Pour le reste ma foi...
Les seuls passages qui m'ont réellement intéressée sont ceux
relatifs à Virginia Woolf. Après, suivre la vie ordinaire de deux femmes
insatisfaites qui ressassent leur passé (Clarissa) ou leur mal être (Laura) fut
une tâche bien ennuyeuse. L'éditrice lesbienne qui organise un dîner pour son
ami mourant, et la femme au foyer qui rêve d'une autre vie m'ont plutôt donné
envie de dormir! Les regrets, l'insatisfaction, et on passe à côté de sa vie,
et on est à la recherche de l'instant parfait... C'est du déjà vu et cela a été
mieux raconté, par d'autres!
J'ai lu ici et là des critiques élogieuses sur l'écriture. Quelque chose m'aura échappé sans doute. C'est bien écrit, bien que quelques passages m'aient parus artificiels, mais pas de quoi crier au génie.
Donc, je ne retirerai pas grand-chose de cette lecture. Suis complètement passée à côté du roman, ça arrive parfois... Me reste à voir le film, il me fera peut-être changer d'avis qui sait?"
J'ai lu ici et là des critiques élogieuses sur l'écriture. Quelque chose m'aura échappé sans doute. C'est bien écrit, bien que quelques passages m'aient parus artificiels, mais pas de quoi crier au génie.
Donc, je ne retirerai pas grand-chose de cette lecture. Suis complètement passée à côté du roman, ça arrive parfois... Me reste à voir le film, il me fera peut-être changer d'avis qui sait?"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire