N'oubliez pas de lire les deux pièces dont ils sont extraits...
FRAGMENTS DE JEU
Travail au
plateau avec Georges Besombes
I-
CORNEILLE – L’Illusion comique
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Acte
II, 2 – Premier fragment – Matamore, Clindor
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Acte
II, 2 – Deuxième fragment – Matamore, Clindor
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Acte
II, 2 – Troisième fragment – Matamore, Clindor
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Acte
III, 4 – Matamore, Clindor
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Acte
III, 7 - Matamore
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Acte
III, 9 – Premier fragment – Matamore, Clindor
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Acte
III, 9 – Deuxième fragment – Matamore, Clindor
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Acte
III, 10 – Isabelle, Matamore, Clindor
II-
MARIVAUX – La Fausse Suivante
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I,
5 – Premier fragment - Le Chevalier, Trivelin
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I,
5 – Deuxième fragment - Le Chevalier, Trivelin
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II,
5 – Premier fragment – Trivelin, Arlequin
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II,
5 – Deuxième fragment – Trivelin, Arlequin
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II,
5 – Troisième fragment – Trivelin, Arlequin
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II,
7 – Le Chevalier, Arlequin, Trivelin
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III,
1 – Premier fragment - Lélio, Arlequin
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III,
1 – Second fragment - Lélio, Arlequin
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III,
9 – Le Chevalier, Lélio, Arlequin
CORNEILLE – L’Illusion comique
- Acte
II, scène 2 – Premier fragment
Matamore, Clindor
CLINDOR
Quoi ! Monsieur, vous rêvez ! et cette âme hautaine,
Après tant de beaux faits, semble être encore en peine !
N'êtes-vous point lassé d'abattre des guerriers,
Et vous faut-il encore quelques nouveaux lauriers ?
MATAMORE
Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre
Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre,
Du grand Sophi de Perse, ou bien du grand Mogor.
CLINDOR
Eh ! De grâce, monsieur, laissez-les vivre encore.
Qu'ajouterait leur perte à votre renommée ?
D'ailleurs, quand auriez-vous rassemblé votre armée ?
MATAMORE
Mon armée ? Ah ! Poltron ! Ah ! Traître ! Pour leur mort
Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort ?
Le seul bruit de mon nom renverse les murailles,
Défait les escadrons, et gagne les batailles.
Mon courage invaincu contre les empereurs
N'arme que la moitié de ses moindres fureurs ;
D'un seul commandement que je fais aux trois Parques,
Je dépeuple l'État des plus heureux monarques ;
Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats :
Je couche d'un revers mille ennemis à bas.
D'un souffle je réduis leurs projets en fumée ;
Et tu m'oses parler cependant d'une armée !
Tu n'auras plus l'honneur de voir un second Mars ;
Je vais t'assassiner d'un seul de mes regards,
Veillaque. Toutefois, je songe à ma maîtresse ;
Ce penser m'adoucit. Va, ma colère cesse,
Et ce petit archer qui dompte tous les dieux
Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux.
Regarde, j'ai quitté cette effroyable mine
Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ;
Et, pensant au bel œil qui tient ma liberté,
Je ne suis plus qu'amour, que grâce, que beauté.
Quoi ! Monsieur, vous rêvez ! et cette âme hautaine,
Après tant de beaux faits, semble être encore en peine !
N'êtes-vous point lassé d'abattre des guerriers,
Et vous faut-il encore quelques nouveaux lauriers ?
MATAMORE
Il est vrai que je rêve, et ne saurais résoudre
Lequel je dois des deux le premier mettre en poudre,
Du grand Sophi de Perse, ou bien du grand Mogor.
CLINDOR
Eh ! De grâce, monsieur, laissez-les vivre encore.
Qu'ajouterait leur perte à votre renommée ?
D'ailleurs, quand auriez-vous rassemblé votre armée ?
MATAMORE
Mon armée ? Ah ! Poltron ! Ah ! Traître ! Pour leur mort
Tu crois donc que ce bras ne soit pas assez fort ?
Le seul bruit de mon nom renverse les murailles,
Défait les escadrons, et gagne les batailles.
Mon courage invaincu contre les empereurs
N'arme que la moitié de ses moindres fureurs ;
D'un seul commandement que je fais aux trois Parques,
Je dépeuple l'État des plus heureux monarques ;
Le foudre est mon canon, les Destins mes soldats :
Je couche d'un revers mille ennemis à bas.
D'un souffle je réduis leurs projets en fumée ;
Et tu m'oses parler cependant d'une armée !
Tu n'auras plus l'honneur de voir un second Mars ;
Je vais t'assassiner d'un seul de mes regards,
Veillaque. Toutefois, je songe à ma maîtresse ;
Ce penser m'adoucit. Va, ma colère cesse,
Et ce petit archer qui dompte tous les dieux
Vient de chasser la mort qui logeait dans mes yeux.
Regarde, j'ai quitté cette effroyable mine
Qui massacre, détruit, brise, brûle, extermine ;
Et, pensant au bel œil qui tient ma liberté,
Je ne suis plus qu'amour, que grâce, que beauté.
- Acte
II, scène 2 – Deuxième fragment
CLINDOR
O dieux ! En un moment que tout vous est possible !
Je vous vois aussi beau que vous étiez terrible,
Et ne crois point d'objet si ferme en sa rigueur,
Qu'il puisse constamment vous refuser son cœur.
MATAMORE
Je te le dis encore, ne sois plus en alarme :
Quand je veux, j'épouvante ; et quand je veux, je charme ;
Et, selon qu'il me plaît, je remplis tour à tour
Les hommes de terreur, et les femmes d'amour.
Du temps que ma beauté m'était inséparable,
Leurs persécutions me rendaient misérable ;
Je ne pouvais sortir sans les faire pâmer ;
Mille mouraient par jour à force de m'aimer :
J'avais des rendez-vous de toutes les princesses ;
Les reines à l'envi mendiaient mes caresses ;
Celle d'Éthiopie, et celle du Japon,
Dans leurs soupirs d'amour ne mêlaient que mon nom.
De passion pour moi deux sultanes troublèrent ;
Deux autres, pour me voir, du sérail s'échappèrent :
J'en fus mal quelque temps avec le Grand Seigneur.
CLINDOR
Son mécontentement n'allait qu'à votre honneur.
MATAMORE
Ces pratiques nuisaient à mes desseins de guerre,
Et pouvaient m'empêcher de conquérir la terre.
D'ailleurs, j'en devins las ; et pour les arrêter,
J'envoyai le Destin dire à son Jupiter
Qu'il trouvât un moyen qui fît cesser les flammes
Et l'importunité dont m'accablaient les dames :
Qu'autrement ma colère irait dedans les cieux
Le dégrader soudain de l'empire des dieux,
Et donnerait à Mars à gouverner sa foudre.
La frayeur qu'il en eut le fit bientôt résoudre :
Ce que je demandais fut prêt en un moment ;
Et depuis, je suis beau quand je veux seulement.
O dieux ! En un moment que tout vous est possible !
Je vous vois aussi beau que vous étiez terrible,
Et ne crois point d'objet si ferme en sa rigueur,
Qu'il puisse constamment vous refuser son cœur.
MATAMORE
Je te le dis encore, ne sois plus en alarme :
Quand je veux, j'épouvante ; et quand je veux, je charme ;
Et, selon qu'il me plaît, je remplis tour à tour
Les hommes de terreur, et les femmes d'amour.
Du temps que ma beauté m'était inséparable,
Leurs persécutions me rendaient misérable ;
Je ne pouvais sortir sans les faire pâmer ;
Mille mouraient par jour à force de m'aimer :
J'avais des rendez-vous de toutes les princesses ;
Les reines à l'envi mendiaient mes caresses ;
Celle d'Éthiopie, et celle du Japon,
Dans leurs soupirs d'amour ne mêlaient que mon nom.
De passion pour moi deux sultanes troublèrent ;
Deux autres, pour me voir, du sérail s'échappèrent :
J'en fus mal quelque temps avec le Grand Seigneur.
CLINDOR
Son mécontentement n'allait qu'à votre honneur.
MATAMORE
Ces pratiques nuisaient à mes desseins de guerre,
Et pouvaient m'empêcher de conquérir la terre.
D'ailleurs, j'en devins las ; et pour les arrêter,
J'envoyai le Destin dire à son Jupiter
Qu'il trouvât un moyen qui fît cesser les flammes
Et l'importunité dont m'accablaient les dames :
Qu'autrement ma colère irait dedans les cieux
Le dégrader soudain de l'empire des dieux,
Et donnerait à Mars à gouverner sa foudre.
La frayeur qu'il en eut le fit bientôt résoudre :
Ce que je demandais fut prêt en un moment ;
Et depuis, je suis beau quand je veux seulement.
- Acte
II, scène 2 – Troisième fragment
MATAMORE
Contemple, mon ami, contemple ce visage ;
Tu vois un abrégé de toutes les vertus.
D'un monde d'ennemis sous mes pieds abattus,
Dont la race est périe, et la terre déserte,
Pas un qu'à son orgueil n'a jamais dû sa perte :
Tous ceux qui font hommage à mes perfections
Conservent leurs Etats par leurs submissions.
En Europe, où les rois sont d'une humeur civile,
Je ne leur rase point de château ni de ville ;
Je les souffre régner ; mais, chez les Africains,
Partout où j'ai trouvé des rois un peu trop vains,
J'ai détruit les pays pour punir leurs monarques ;
Et leurs vastes déserts en sont de bonnes marques ;
Ces grands sables qu'à peine on passe sans horreur
Sont d'assez beaux effets de ma juste fureur.
CLINDOR
Revenons à l'amour : voici votre maîtresse.
MATAMORE
Ce diable de rival l'accompagne sans cesse.
CLINDOR
Où vous retirez-vous ?
MATAMORE
Ce fat n'est pas vaillant,
Mais il a quelque humeur qui le rend insolent.
Peut-être qu'orgueilleux d'être avec cette belle,
Il serait assez vain pour me faire querelle.
CLINDOR
Ce serait bien courir lui-même à son malheur.
MATAMORE
Lorsque j'ai ma beauté, je n'ai point de valeur.
CLINDOR
Cessez d'être charmant, et faites-vous terrible.
MATAMORE
Mais tu n'en prévois pas l'accident infaillible :
Je ne saurais me faire effroyable à demi ;
Je tuerais ma maîtresse avec mon ennemi.
Attendons en ce coin l'heure qui les sépare.
CLINDOR
Comme votre valeur, votre prudence est rare.
Contemple, mon ami, contemple ce visage ;
Tu vois un abrégé de toutes les vertus.
D'un monde d'ennemis sous mes pieds abattus,
Dont la race est périe, et la terre déserte,
Pas un qu'à son orgueil n'a jamais dû sa perte :
Tous ceux qui font hommage à mes perfections
Conservent leurs Etats par leurs submissions.
En Europe, où les rois sont d'une humeur civile,
Je ne leur rase point de château ni de ville ;
Je les souffre régner ; mais, chez les Africains,
Partout où j'ai trouvé des rois un peu trop vains,
J'ai détruit les pays pour punir leurs monarques ;
Et leurs vastes déserts en sont de bonnes marques ;
Ces grands sables qu'à peine on passe sans horreur
Sont d'assez beaux effets de ma juste fureur.
CLINDOR
Revenons à l'amour : voici votre maîtresse.
MATAMORE
Ce diable de rival l'accompagne sans cesse.
CLINDOR
Où vous retirez-vous ?
MATAMORE
Ce fat n'est pas vaillant,
Mais il a quelque humeur qui le rend insolent.
Peut-être qu'orgueilleux d'être avec cette belle,
Il serait assez vain pour me faire querelle.
CLINDOR
Ce serait bien courir lui-même à son malheur.
MATAMORE
Lorsque j'ai ma beauté, je n'ai point de valeur.
CLINDOR
Cessez d'être charmant, et faites-vous terrible.
MATAMORE
Mais tu n'en prévois pas l'accident infaillible :
Je ne saurais me faire effroyable à demi ;
Je tuerais ma maîtresse avec mon ennemi.
Attendons en ce coin l'heure qui les sépare.
CLINDOR
Comme votre valeur, votre prudence est rare.
Acte III, scène 4
Matamore, Clindor
MATAMORE
Respect de ma maîtresse, incommode vertu,
Tyran de ma vaillance, à quoi me réduis-tu ?
Que n'ai-je eu cent rivaux en la place d'un père,
Sur qui, sans t'offenser, laisser choir ma colère !
Ah ! visible démon, vieux spectre décharné,
Vrai suppôt de Satan, médaille de damné,
Tu m'oses donc bannir, et même avec menaces,
Moi, de qui tous les rois briguent les bonnes grâces !
CLINDOR
Tandis qu'il est dehors, allez, dès aujourd'hui,
Causer de vos amours et vous moquer de lui.
MATAMORE
Cadédiou ! Ses valets feraient quelque insolence.
CLINDOR
Ce fer a trop de quoi dompter leur violence.
Respect de ma maîtresse, incommode vertu,
Tyran de ma vaillance, à quoi me réduis-tu ?
Que n'ai-je eu cent rivaux en la place d'un père,
Sur qui, sans t'offenser, laisser choir ma colère !
Ah ! visible démon, vieux spectre décharné,
Vrai suppôt de Satan, médaille de damné,
Tu m'oses donc bannir, et même avec menaces,
Moi, de qui tous les rois briguent les bonnes grâces !
CLINDOR
Tandis qu'il est dehors, allez, dès aujourd'hui,
Causer de vos amours et vous moquer de lui.
MATAMORE
Cadédiou ! Ses valets feraient quelque insolence.
CLINDOR
Ce fer a trop de quoi dompter leur violence.
MATAMORE
Oui, mais les feux qu'il jette en sortant de prison
Auraient en un moment embrasé la maison,
Dévoré tout à l'heure ardoises et gouttières,
Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières,
Entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux,
Pannes, soles, appuis, jambages, traveteaux,
Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre,
Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre,
Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers,
Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
Juge un peu quel désordre aux yeux de ma charmeuse ;
Ces feux étoufferaient son ardeur amoureuse.
Va lui parler pour moi, toi qui n'es pas vaillant ;
Tu puniras à moins un valet insolent.
CLINDOR
C'est m'exposer…
MATAMORE
Adieu : je vois ouvrir la porte,
Et crains que sans respect cette canaille sorte.
Oui, mais les feux qu'il jette en sortant de prison
Auraient en un moment embrasé la maison,
Dévoré tout à l'heure ardoises et gouttières,
Faîtes, lattes, chevrons, montants, courbes, filières,
Entretoises, sommiers, colonnes, soliveaux,
Pannes, soles, appuis, jambages, traveteaux,
Portes, grilles, verrous, serrures, tuiles, pierre,
Plomb, fer, plâtre, ciment, peinture, marbre, verre,
Caves, puits, cours, perrons, salles, chambres, greniers,
Offices, cabinets, terrasses, escaliers.
Juge un peu quel désordre aux yeux de ma charmeuse ;
Ces feux étoufferaient son ardeur amoureuse.
Va lui parler pour moi, toi qui n'es pas vaillant ;
Tu puniras à moins un valet insolent.
CLINDOR
C'est m'exposer…
MATAMORE
Adieu : je vois ouvrir la porte,
Et crains que sans respect cette canaille sorte.
Acte III,
scène 7
Matamore
Les voilà, sauvons-nous. Non, je ne vois personne.
Avançons hardiment. Tout le corps me frissonne.
Je les entends, fuyons. Le vent faisait ce bruit.
Marchons sous la faveur des ombres de la nuit.
Vieux rêveur, malgré toi j'attends ici ma reine.
Ces diables de valets me mettent bien en peine.
De deux mille ans et plus, je ne tremblai si fort.
C'est trop me hasarder ; s'ils sortent, je suis mort ;
Car j'aime mieux mourir que leur donner bataille,
Et profaner mon bras contre cette canaille.
Que le courage expose à d'étranges dangers !
Toutefois, en tout cas, je suis des plus légers ;
S'il ne faut que courir, leur attente est dupée :
J'ai le pied pour le moins aussi bon que l'épée.
Tout de bon, je les vois : c'est fait, il faut mourir :
J'ai le corps si glacé, que je ne puis courir.
Destin, qu'à ma valeur tu te montres contraire !…
C'est ma reine elle-même, avec mon secrétaire !
Tout mon corps se déglace : écoutons leurs discours,
Et voyons son adresse à traiter mes amours.
Acte III, scène 9 – Premier fragment
Matamore, Clindor
MATAMORE
Ah ! Traître !
CLINDOR
Parlez bas, ces valets…
MATAMORE
Eh bien ! Quoi ?
CLINDOR
Ils fondront tout à l'heure et sur vous et sur moi.
MATAMORE (le tire à un coin du théâtre)
Viens çà. Tu sais ton crime, et qu'à l'objet que j'aime,
Loin de parler pour moi, tu parlais pour toi-même ?
CLINDOR
Oui, pour me rendre heureux j'ai fait quelques efforts.
MATAMORE
Je te donne le choix de trois ou quatre morts :
Je vais, d'un coup de poing, te briser comme verre,
Ou t'enfoncer tout vif au centre de la terre,
Ou te fendre en dix parts d'un seul coup de revers,
Ou te jeter si haut au-dessus des éclairs,
Que tu sois dévoré des feux élémentaires .
Choisis donc promptement, et pense à tes affaires.
CLINDOR
Vous-même choisissez.
MATAMORE
Quel choix proposes-tu ?
CLINDOR
De fuir en diligence, ou d'être bien battu.
Ah ! Traître !
CLINDOR
Parlez bas, ces valets…
MATAMORE
Eh bien ! Quoi ?
CLINDOR
Ils fondront tout à l'heure et sur vous et sur moi.
MATAMORE (le tire à un coin du théâtre)
Viens çà. Tu sais ton crime, et qu'à l'objet que j'aime,
Loin de parler pour moi, tu parlais pour toi-même ?
CLINDOR
Oui, pour me rendre heureux j'ai fait quelques efforts.
MATAMORE
Je te donne le choix de trois ou quatre morts :
Je vais, d'un coup de poing, te briser comme verre,
Ou t'enfoncer tout vif au centre de la terre,
Ou te fendre en dix parts d'un seul coup de revers,
Ou te jeter si haut au-dessus des éclairs,
Que tu sois dévoré des feux élémentaires .
Choisis donc promptement, et pense à tes affaires.
CLINDOR
Vous-même choisissez.
MATAMORE
Quel choix proposes-tu ?
CLINDOR
De fuir en diligence, ou d'être bien battu.
Acte III, scène 9 – Deuxième fragment
MATAMORE
Me menacer encore ! Ah ! Ventre ! Quelle audace !
Au lieu d'être à genoux, et d'implorer ma grâce… !
Il a donné le mot, ces valets vont sortir…
Je m'en vais commander aux mers de t'engloutir.
CLINDOR
Sans vous chercher si loin un si grand cimetière,
Je vous vais, de ce pas, jeter dans la rivière.
MATAMORE
Ils sont d'intelligence. Ah ! tête !
CLINDOR
Point de bruit :
J'ai déjà massacré dix hommes cette nuit ;
Et si vous me fâchez, vous en croîtrez le nombre.
MATAMORE
Cadédiou ! ce coquin a marché dans mon ombre ;
Il s'est fait tout vaillant d'avoir suivi mes pas :
S'il avait du respect, j'en voudrais faire cas.
Écoute : je suis bon, et ce serait dommage
De priver l'univers d'un homme de courage.
Demande-moi pardon, et cesse par tes feux
De profaner l'objet digne seul de mes vœux ;
Tu connais ma valeur, éprouve ma clémence.
CLINDOR
Plutôt, si votre amour a tant de véhémence,
Faisons deux coups d'épée au nom de sa beauté.
MATAMORE
Parbleu, tu me ravis de générosité.
Va, pour la conquérir n'use plus d'artifices,
Je te la veux donner pour prix de tes services ;
Plains-toi dorénavant d'avoir un maître ingrat !
CLINDOR
A ce rare présent, d'aise le cœur me bat.
Protecteur des grands rois, guerrier trop magnanime,
Puisse tout l'univers bruire de votre estime !
Me menacer encore ! Ah ! Ventre ! Quelle audace !
Au lieu d'être à genoux, et d'implorer ma grâce… !
Il a donné le mot, ces valets vont sortir…
Je m'en vais commander aux mers de t'engloutir.
CLINDOR
Sans vous chercher si loin un si grand cimetière,
Je vous vais, de ce pas, jeter dans la rivière.
MATAMORE
Ils sont d'intelligence. Ah ! tête !
CLINDOR
Point de bruit :
J'ai déjà massacré dix hommes cette nuit ;
Et si vous me fâchez, vous en croîtrez le nombre.
MATAMORE
Cadédiou ! ce coquin a marché dans mon ombre ;
Il s'est fait tout vaillant d'avoir suivi mes pas :
S'il avait du respect, j'en voudrais faire cas.
Écoute : je suis bon, et ce serait dommage
De priver l'univers d'un homme de courage.
Demande-moi pardon, et cesse par tes feux
De profaner l'objet digne seul de mes vœux ;
Tu connais ma valeur, éprouve ma clémence.
CLINDOR
Plutôt, si votre amour a tant de véhémence,
Faisons deux coups d'épée au nom de sa beauté.
MATAMORE
Parbleu, tu me ravis de générosité.
Va, pour la conquérir n'use plus d'artifices,
Je te la veux donner pour prix de tes services ;
Plains-toi dorénavant d'avoir un maître ingrat !
CLINDOR
A ce rare présent, d'aise le cœur me bat.
Protecteur des grands rois, guerrier trop magnanime,
Puisse tout l'univers bruire de votre estime !
Acte III, scène 10
Isabelle, Matamore, Clindor
ISABELLE
Je rends grâces au ciel de ce qu'il a permis
Qu'à la fin, sans combat, je vous vois bons amis.
MATAMORE
Ne pensez plus, ma reine, à l'honneur que ma flamme
Vous devait faire un jour de vous prendre pour femme ;
Pour quelque occasion j'ai changé de dessein :
Mais je vous veux donner un homme de ma main ;
Faites-en de l'état(6) ; il est vaillant lui-même ;
Il commandait sous moi.
ISABELLE
Pour vous plaire, je l'aime.
CLINDOR
Mais il faut du silence à notre affection.
MATAMORE
Je vous promets silence, et ma protection.
Avouez-vous de moi par tous les coins du monde.
Je suis craint à l'égal sur la terre et sur l'onde ;
Allez, vivez contents sous une même loi.
ISABELLE
Pour vous mieux obéir je lui donne ma foi.
CLINDOR
Commandez que sa foi de quelque effet suivie…
Je rends grâces au ciel de ce qu'il a permis
Qu'à la fin, sans combat, je vous vois bons amis.
MATAMORE
Ne pensez plus, ma reine, à l'honneur que ma flamme
Vous devait faire un jour de vous prendre pour femme ;
Pour quelque occasion j'ai changé de dessein :
Mais je vous veux donner un homme de ma main ;
Faites-en de l'état(6) ; il est vaillant lui-même ;
Il commandait sous moi.
ISABELLE
Pour vous plaire, je l'aime.
CLINDOR
Mais il faut du silence à notre affection.
MATAMORE
Je vous promets silence, et ma protection.
Avouez-vous de moi par tous les coins du monde.
Je suis craint à l'égal sur la terre et sur l'onde ;
Allez, vivez contents sous une même loi.
ISABELLE
Pour vous mieux obéir je lui donne ma foi.
CLINDOR
Commandez que sa foi de quelque effet suivie…
MARIVAUX – La Fausse suivante ou le fourbe puni
ACTE I - Scène V – LE CHEVALIER,
TRIVELIN
Acte I, scène 5 – Premier fragment
LE CHEVALIER
Approchez, comment vous appelez-vous ?
TRIVELIN
Comme vous voudrez, Monsieur, Bourguignon, Champagne, Poitevin, Picard, tout cela m'est indifférent, le nom sous lequel j'aurai l'honneur de vous servir, sera toujours le plus beau nom du monde.
LE CHEVALIER
Sans compliment ; quel est le tien à toi ?
TRIVELIN
Je vous avoue que je ferais quelque difficulté de le dire, parce que dans ma famille je suis le premier du nom qui n'ait pas disposé de la couleur de son habit(4) ; mais peut-on porter rien de plus galant que vos couleurs, il me tarde d'en être chamarré sur toutes les coutures.
LE CHEVALIER (à part)
Qu'est-ce que c'est que ce langage-là ? Il m'inquiète.
TRIVELIN
Cependant, Monsieur, j'aurai l'honneur de vous dire que je m'appelle Trivelin, c'est un nom que j'ai reçu de père en fils très correctement, et dans la dernière fidélité, et de tous les Trivelins qui furent jamais, votre serviteur en ce moment s'estime le plus heureux de tous.
LE CHEVALIER
Laissez là vos politesses, un maître ne demande à son valet que l'attention dans ce qu'il l'emploie.
TRIVELIN
Son valet, le terme est dur, il frappe mes oreilles d'un son disgracieux ; ne purgera-t-on jamais le discours de tous ces noms odieux ?
LE CHEVALIER
La délicatesse est singulière !
TRIVELIN
De grâce, ajustons-nous, convenons d'une formule plus douce.
LE CHEVALIER (à part)
Il se moque de moi. Vous riez, je pense.
TRIVELIN
C'est la joie que j'ai d'être à vous, qui l'emporte sur la petite mortification que je viens d'essuyer.
LE CHEVALIER
Je vous avertis moi, que je vous renvoie, et que vous ne m'êtes bon à rien.
TRIVELIN
Je ne vous suis bon à rien ; ah ! ce que vous dites là ne peut pas être sérieux.
LE CHEVALIER (à part)
Cet homme-là est un extravagant. (À Trivelin.) Retirez-vous.
TRIVELIN
Non, vous m'avez piqué, je ne vous quitterai point, que vous ne soyez convenu avec moi, que je vous suis bon à quelque chose.
LE CHEVALIER
Retirez-vous, vous dis-je.
TRIVELIN
Où vous attendrai-je ?
LE CHEVALIER
Nulle part.
TRIVELIN
Ne badinons point, le temps se passe, et nous ne décidons rien.
LE CHEVALIER
Savez-vous bien, mon ami, que vous risquez beaucoup ?
TRIVELIN
Je n'ai pourtant qu'un écu à perdre.
Approchez, comment vous appelez-vous ?
TRIVELIN
Comme vous voudrez, Monsieur, Bourguignon, Champagne, Poitevin, Picard, tout cela m'est indifférent, le nom sous lequel j'aurai l'honneur de vous servir, sera toujours le plus beau nom du monde.
LE CHEVALIER
Sans compliment ; quel est le tien à toi ?
TRIVELIN
Je vous avoue que je ferais quelque difficulté de le dire, parce que dans ma famille je suis le premier du nom qui n'ait pas disposé de la couleur de son habit(4) ; mais peut-on porter rien de plus galant que vos couleurs, il me tarde d'en être chamarré sur toutes les coutures.
LE CHEVALIER (à part)
Qu'est-ce que c'est que ce langage-là ? Il m'inquiète.
TRIVELIN
Cependant, Monsieur, j'aurai l'honneur de vous dire que je m'appelle Trivelin, c'est un nom que j'ai reçu de père en fils très correctement, et dans la dernière fidélité, et de tous les Trivelins qui furent jamais, votre serviteur en ce moment s'estime le plus heureux de tous.
LE CHEVALIER
Laissez là vos politesses, un maître ne demande à son valet que l'attention dans ce qu'il l'emploie.
TRIVELIN
Son valet, le terme est dur, il frappe mes oreilles d'un son disgracieux ; ne purgera-t-on jamais le discours de tous ces noms odieux ?
LE CHEVALIER
La délicatesse est singulière !
TRIVELIN
De grâce, ajustons-nous, convenons d'une formule plus douce.
LE CHEVALIER (à part)
Il se moque de moi. Vous riez, je pense.
TRIVELIN
C'est la joie que j'ai d'être à vous, qui l'emporte sur la petite mortification que je viens d'essuyer.
LE CHEVALIER
Je vous avertis moi, que je vous renvoie, et que vous ne m'êtes bon à rien.
TRIVELIN
Je ne vous suis bon à rien ; ah ! ce que vous dites là ne peut pas être sérieux.
LE CHEVALIER (à part)
Cet homme-là est un extravagant. (À Trivelin.) Retirez-vous.
TRIVELIN
Non, vous m'avez piqué, je ne vous quitterai point, que vous ne soyez convenu avec moi, que je vous suis bon à quelque chose.
LE CHEVALIER
Retirez-vous, vous dis-je.
TRIVELIN
Où vous attendrai-je ?
LE CHEVALIER
Nulle part.
TRIVELIN
Ne badinons point, le temps se passe, et nous ne décidons rien.
LE CHEVALIER
Savez-vous bien, mon ami, que vous risquez beaucoup ?
TRIVELIN
Je n'ai pourtant qu'un écu à perdre.
La Fausse suivante - Acte I, scène 5 – Deuxième fragment
LE CHEVALIER
Ce coquin-là m'embarrasse. (Il fait comme s'il s'en allait.) Il faut que je m'en aille. (À Trivelin.) Tu me suis ?
TRIVELIN
Vraiment oui, je soutiens mon caractère : ne vous ai-je pas dit que j'étais opiniâtre ?
LE CHEVALIER
Insolent !
TRIVELIN
Cruel !
LE CHEVALIER
Comment cruel !
TRIVELIN
Oui, cruel, c'est un reproche tendre que je vous fais ; continuez, vous n'y êtes pas, j'en viendrai jusqu'aux soupirs, vos rigueurs me l'annoncent.
LE CHEVALIER
Je ne sais plus que penser de tout ce qu'il me dit.
TRIVELIN
Ah, ah, ah, vous rêvez mon cavalier, vous délibérez, votre ton baisse, vous devenez traitable, et nous nous accommoderons, je le vois bien, la passion que j'ai de vous servir est sans quartier ; premièrement cela est dans mon sang, je ne saurais me corriger.
LE CHEVALIER (mettant la main sur la garde de son épée)
Il me prend envie de te traiter comme tu le mérites.
TRIVELIN
Fi, ne gesticulez point de cette manière-là, ce geste-là n'est point de votre compétence ; laissez là cette arme qui vous est étrangère ; votre œil est plus redoutable que ce fer inutile qui vous pend au côté.
LE CHEVALIER
Ah ! je suis trahie !
TRIVELIN
Masque(5), venons au fait, je vous connais.
LE CHEVALIER
Toi ?
TRIVELIN
Oui, Frontin vous connaissait pour nous deux.
LE CHEVALIER
Le coquin ! Et t'a-t-il dit qui j'étais ?
TRIVELIN
Il m'a dit que vous étiez une fille, et voilà tout, et moi je l'ai cru, car je ne chicane sur la qualité de personne.
[…] Parlons à présent à rez-de-chaussée(6), as-tu le cœur libre ?
LE CHEVALIER
Oui.
TRIVELIN
Et moi aussi, ainsi de compte arrêté, cela fait deux cœurs libres, n'est-ce pas ?
LE CHEVALIER
Sans doute.
TRIVELIN
Ergo, je conclus que nos deux cœurs soient désormais camarades.
[…]
Souviens-toi ma friponne à ton tour que je suis ton valet sur la scène, et ton amant dans les coulisses ; tu me donneras des ordres en public, et des sentiments dans le tête-à-tête.
Il se retire en arrière, quand Lélio entre avec Arlequin. Les valets se rencontrant se saluent.
Ce coquin-là m'embarrasse. (Il fait comme s'il s'en allait.) Il faut que je m'en aille. (À Trivelin.) Tu me suis ?
TRIVELIN
Vraiment oui, je soutiens mon caractère : ne vous ai-je pas dit que j'étais opiniâtre ?
LE CHEVALIER
Insolent !
TRIVELIN
Cruel !
LE CHEVALIER
Comment cruel !
TRIVELIN
Oui, cruel, c'est un reproche tendre que je vous fais ; continuez, vous n'y êtes pas, j'en viendrai jusqu'aux soupirs, vos rigueurs me l'annoncent.
LE CHEVALIER
Je ne sais plus que penser de tout ce qu'il me dit.
TRIVELIN
Ah, ah, ah, vous rêvez mon cavalier, vous délibérez, votre ton baisse, vous devenez traitable, et nous nous accommoderons, je le vois bien, la passion que j'ai de vous servir est sans quartier ; premièrement cela est dans mon sang, je ne saurais me corriger.
LE CHEVALIER (mettant la main sur la garde de son épée)
Il me prend envie de te traiter comme tu le mérites.
TRIVELIN
Fi, ne gesticulez point de cette manière-là, ce geste-là n'est point de votre compétence ; laissez là cette arme qui vous est étrangère ; votre œil est plus redoutable que ce fer inutile qui vous pend au côté.
LE CHEVALIER
Ah ! je suis trahie !
TRIVELIN
Masque(5), venons au fait, je vous connais.
LE CHEVALIER
Toi ?
TRIVELIN
Oui, Frontin vous connaissait pour nous deux.
LE CHEVALIER
Le coquin ! Et t'a-t-il dit qui j'étais ?
TRIVELIN
Il m'a dit que vous étiez une fille, et voilà tout, et moi je l'ai cru, car je ne chicane sur la qualité de personne.
[…] Parlons à présent à rez-de-chaussée(6), as-tu le cœur libre ?
LE CHEVALIER
Oui.
TRIVELIN
Et moi aussi, ainsi de compte arrêté, cela fait deux cœurs libres, n'est-ce pas ?
LE CHEVALIER
Sans doute.
TRIVELIN
Ergo, je conclus que nos deux cœurs soient désormais camarades.
[…]
Souviens-toi ma friponne à ton tour que je suis ton valet sur la scène, et ton amant dans les coulisses ; tu me donneras des ordres en public, et des sentiments dans le tête-à-tête.
Il se retire en arrière, quand Lélio entre avec Arlequin. Les valets se rencontrant se saluent.
ACTE II - Scène V –
ARLEQUIN, TRIVELIN
Acte II, scène 5 – Premier fragment
TRIVELIN
Ah, te voilà, où vas-tu ?
ARLEQUIN
Voir s'il y a des lettres pour mon maître.
TRIVELIN
Tu me parais occupé ; à quoi est-ce que tu rêves ?
ARLEQUIN
À des louis d'or.
TRIVELIN
Diantre, tes réflexions sont de riche étoffe.
ARLEQUIN
Et je te cherchais aussi pour te parler.
TRIVELIN
Et que veux-tu de moi ?
ARLEQUIN
T'entretenir de louis d'or.
TRIVELIN
Encore des louis d'or, mais tu as une mine d'or dans ta tête.
ARLEQUIN
Dis-moi, mon ami, où as-tu pris toutes ces pistoles que je t'ai vu tantôt tirer de ta poche pour payer la bouteille de vin que nous avons bu au cabaret du bourg ? Je voudrais bien savoir le secret que tu as pour en faire.
TRIVELIN
Mon ami, je ne pourrais guère te donner le secret d'en faire, je n'ai jamais possédé que le secret de le dépenser.
ARLEQUIN
Oh, j'ai aussi un secret qui est bon pour cela, moi, je l'ai appris au cabaret en perfection.
TRIVELIN
Oui-da, on fait son affaire avec du vin, quoique lentement, mais en y joignant une pincée d'inclination pour le beau sexe, on réussit bien autrement.
ARLEQUIN
Ah, le beau sexe, on ne trouve point de cet ingrédient-là ici.
TRIVELIN
Tu n'y demeureras pas toujours, mais de grâce instruis-moi d'une chose à ton tour : ton maître et monsieur le Chevalier s'aiment-ils beaucoup ?
ARLEQUIN
Oui.
TRIVELIN
Fi. Se témoignent-ils de grands empressements, se font-ils beaucoup d'amitié ?
ARLEQUIN
Ils se disent : Comment te portes-tu ? À ton service. Et moi aussi. J'en suis bien aise ; après cela ils dînent et soupent ensemble, et puis Bonsoir, je te souhaite une bonne nuit… Et puis ils se couchent, et puis ils dorment, et puis le jour vient : est-ce que tu veux qu'ils se disent des injures ?
TRIVELIN
Non, mon ami, c'est que j'avais quelque petite raison de te demander cela, par rapport à quelque aventure qui m'est arrivée ici.
ARLEQUIN
Toi ?
Ah, te voilà, où vas-tu ?
ARLEQUIN
Voir s'il y a des lettres pour mon maître.
TRIVELIN
Tu me parais occupé ; à quoi est-ce que tu rêves ?
ARLEQUIN
À des louis d'or.
TRIVELIN
Diantre, tes réflexions sont de riche étoffe.
ARLEQUIN
Et je te cherchais aussi pour te parler.
TRIVELIN
Et que veux-tu de moi ?
ARLEQUIN
T'entretenir de louis d'or.
TRIVELIN
Encore des louis d'or, mais tu as une mine d'or dans ta tête.
ARLEQUIN
Dis-moi, mon ami, où as-tu pris toutes ces pistoles que je t'ai vu tantôt tirer de ta poche pour payer la bouteille de vin que nous avons bu au cabaret du bourg ? Je voudrais bien savoir le secret que tu as pour en faire.
TRIVELIN
Mon ami, je ne pourrais guère te donner le secret d'en faire, je n'ai jamais possédé que le secret de le dépenser.
ARLEQUIN
Oh, j'ai aussi un secret qui est bon pour cela, moi, je l'ai appris au cabaret en perfection.
TRIVELIN
Oui-da, on fait son affaire avec du vin, quoique lentement, mais en y joignant une pincée d'inclination pour le beau sexe, on réussit bien autrement.
ARLEQUIN
Ah, le beau sexe, on ne trouve point de cet ingrédient-là ici.
TRIVELIN
Tu n'y demeureras pas toujours, mais de grâce instruis-moi d'une chose à ton tour : ton maître et monsieur le Chevalier s'aiment-ils beaucoup ?
ARLEQUIN
Oui.
TRIVELIN
Fi. Se témoignent-ils de grands empressements, se font-ils beaucoup d'amitié ?
ARLEQUIN
Ils se disent : Comment te portes-tu ? À ton service. Et moi aussi. J'en suis bien aise ; après cela ils dînent et soupent ensemble, et puis Bonsoir, je te souhaite une bonne nuit… Et puis ils se couchent, et puis ils dorment, et puis le jour vient : est-ce que tu veux qu'ils se disent des injures ?
TRIVELIN
Non, mon ami, c'est que j'avais quelque petite raison de te demander cela, par rapport à quelque aventure qui m'est arrivée ici.
ARLEQUIN
Toi ?
La Fausse suivante - Acte II,
scène 5 – Deuxième fragment
TRIVELIN
Oui, j'ai touché le cœur d'une aimable personne, et l'amitié de nos maîtres prolongera notre séjour ici.
ARLEQUIN
Et où est-ce que cette rare personne-là habite avec son cœur ?
TRIVELIN
Ici te dis-je : malpeste ! c'est une affaire qui m'est de conséquence.
ARLEQUIN
Quel plaisir ! elle est jeune ?
TRIVELIN
Je lui crois dix-neuf à vingt ans.
ARLEQUIN
Ah, le tendron ! elle est jolie ?
TRIVELIN
Jolie ! quelle maigre épithète, vous lui manquez de respect ; sachez qu'elle est charmante, adorable, digne de moi.
ARLEQUIN (touché)
Ah m'amour, friandise de mon âme !
TRIVELIN
Et c'est de sa main mignonne que je tiens ces louis d'or dont tu parles, et que le don qu'elle m'en a fait me rend si précieux.
ARLEQUIN (à ce mot laisse aller ses bras)
Je n'en puis plus.
TRIVELIN (à part)
Il me divertit, je veux le pousser jusqu'à l'évanouissement. Ce n'est pas le tout mon ami ; ses discours ont charmé mon cœur ; de la manière dont elle m'a peint, j'avais honte de me trouver si aimable. M'aimerez-vous, me disait-elle, puis-je compter sur votre cœur ?
ARLEQUIN (transporté)
Oui, ma reine.
TRIVELIN
À qui parles-tu ?
ARLEQUIN
À elle ; j'ai cru qu'elle m'interrogeait.
Oui, j'ai touché le cœur d'une aimable personne, et l'amitié de nos maîtres prolongera notre séjour ici.
ARLEQUIN
Et où est-ce que cette rare personne-là habite avec son cœur ?
TRIVELIN
Ici te dis-je : malpeste ! c'est une affaire qui m'est de conséquence.
ARLEQUIN
Quel plaisir ! elle est jeune ?
TRIVELIN
Je lui crois dix-neuf à vingt ans.
ARLEQUIN
Ah, le tendron ! elle est jolie ?
TRIVELIN
Jolie ! quelle maigre épithète, vous lui manquez de respect ; sachez qu'elle est charmante, adorable, digne de moi.
ARLEQUIN (touché)
Ah m'amour, friandise de mon âme !
TRIVELIN
Et c'est de sa main mignonne que je tiens ces louis d'or dont tu parles, et que le don qu'elle m'en a fait me rend si précieux.
ARLEQUIN (à ce mot laisse aller ses bras)
Je n'en puis plus.
TRIVELIN (à part)
Il me divertit, je veux le pousser jusqu'à l'évanouissement. Ce n'est pas le tout mon ami ; ses discours ont charmé mon cœur ; de la manière dont elle m'a peint, j'avais honte de me trouver si aimable. M'aimerez-vous, me disait-elle, puis-je compter sur votre cœur ?
ARLEQUIN (transporté)
Oui, ma reine.
TRIVELIN
À qui parles-tu ?
ARLEQUIN
À elle ; j'ai cru qu'elle m'interrogeait.
La Fausse suivante - Acte II,
scène 5 – Troisième fragment
TRIVELIN (riant)
Ah, ah, ah ! Pendant qu'elle me parlait, ingénieuse à me prouver sa tendresse, elle fouillait dans sa poche pour en tirer cet or qui fait mes délices. Prenez, m'a-t-elle dit en me le glissant dans la main, et comme poliment j'ouvrais ma main avec lenteur, prenez donc, s'est-elle écriée, ce n'est là qu'un échantillon du coffre-fort que je vous destine ; alors je me suis rendu ; car un échantillon ne se refuse point.
ARLEQUIN (jette sa batte et sa ceinture à terre, et se jetant à genoux, il dit)
Ah mon ami, je tombe à tes pieds pour te supplier en toute humilité, de me montrer seulement la face royale de cette incomparable fille, qui donne un cœur et des louis d'or du Pérou avec ; peut-être me fera-t-elle aussi présent de quelque échantillon, je ne veux que la voir, l'admirer, et puis mourir content.
TRIVELIN
Cela ne se peut pas, mon enfant, il ne faut pas régler tes espérances sur mes aventures ; vois-tu bien, entre le baudet et le cheval d'Espagne, il y a quelque différence.
ARLEQUIN
Hélas, je te regarde comme le premier cheval du monde.
TRIVELIN
Tu abuses de mes comparaisons, je te permets de m'estimer, Arlequin, mais ne me loue jamais.
ARLEQUIN
Montre-moi donc cette fille ?
TRIVELIN
Cela ne se peut pas, mais je t'aime, et tu te sentiras de ma bonne fortune, dès aujourd'hui je te fonde une bouteille de bourgogne pour autant de jours que nous serons ici.
ARLEQUIN (demi-pleurant)
Une bouteille par jour, cela fait trente bouteilles par mois, pour me consoler dans ma douleur ; donne-moi en argent la fondation du premier mois.
TRIVELIN
Mon fils, je suis bien aise d'assister à chaque paiement.
ARLEQUIN (en s'en allant et pleurant)
Je ne verrai donc point ma reine, où êtes-vous donc, petit louis d'or de mon âme ? hélas ! je m'en vais vous chercher partout, hi, hi, hi, hi. (Et puis d'un ton net.) Veux-tu aller boire le premier mois de fondation ?
TRIVELIN
Voilà mon maître, je ne saurais, mais va m'attendre.
Arlequin s'en va en recommençant. Hi, hi, hi, hi.
Ah, ah, ah ! Pendant qu'elle me parlait, ingénieuse à me prouver sa tendresse, elle fouillait dans sa poche pour en tirer cet or qui fait mes délices. Prenez, m'a-t-elle dit en me le glissant dans la main, et comme poliment j'ouvrais ma main avec lenteur, prenez donc, s'est-elle écriée, ce n'est là qu'un échantillon du coffre-fort que je vous destine ; alors je me suis rendu ; car un échantillon ne se refuse point.
ARLEQUIN (jette sa batte et sa ceinture à terre, et se jetant à genoux, il dit)
Ah mon ami, je tombe à tes pieds pour te supplier en toute humilité, de me montrer seulement la face royale de cette incomparable fille, qui donne un cœur et des louis d'or du Pérou avec ; peut-être me fera-t-elle aussi présent de quelque échantillon, je ne veux que la voir, l'admirer, et puis mourir content.
TRIVELIN
Cela ne se peut pas, mon enfant, il ne faut pas régler tes espérances sur mes aventures ; vois-tu bien, entre le baudet et le cheval d'Espagne, il y a quelque différence.
ARLEQUIN
Hélas, je te regarde comme le premier cheval du monde.
TRIVELIN
Tu abuses de mes comparaisons, je te permets de m'estimer, Arlequin, mais ne me loue jamais.
ARLEQUIN
Montre-moi donc cette fille ?
TRIVELIN
Cela ne se peut pas, mais je t'aime, et tu te sentiras de ma bonne fortune, dès aujourd'hui je te fonde une bouteille de bourgogne pour autant de jours que nous serons ici.
ARLEQUIN (demi-pleurant)
Une bouteille par jour, cela fait trente bouteilles par mois, pour me consoler dans ma douleur ; donne-moi en argent la fondation du premier mois.
TRIVELIN
Mon fils, je suis bien aise d'assister à chaque paiement.
ARLEQUIN (en s'en allant et pleurant)
Je ne verrai donc point ma reine, où êtes-vous donc, petit louis d'or de mon âme ? hélas ! je m'en vais vous chercher partout, hi, hi, hi, hi. (Et puis d'un ton net.) Veux-tu aller boire le premier mois de fondation ?
TRIVELIN
Voilà mon maître, je ne saurais, mais va m'attendre.
Arlequin s'en va en recommençant. Hi, hi, hi, hi.
La Fausse
suivante- Acte II, scène 7
ACTE II - Scène VII –
LE CHEVALIER,
TRIVELIN, ARLEQUIN, qui vient, a écouté la fin de la scène par-derrière. Dans le temps
que le Chevalier donne de l'argent à Trivelin, d'une main il prend l'argent, et
de l'autre il embrasse le Chevalier.
ARLEQUIN
Ah, je la tiens ; ah, m'amour, je me meurs, cher petit lingot d'or ! je n'en puis plus. Ah, Trivelin, je suis heureux !
TRIVELIN
Et moi volé.
LE CHEVALIER
Je suis au désespoir, mon secret est découvert.
ARLEQUIN
Laissez-moi vous contempler, cassette de mon âme, qu'elle est jolie ! Mignarde, mon cœur s'en va, je me trouve mal, vite un échantillon pour me remettre, ah, ah, ah, ah !
LE CHEVALIER (à Trivelin)
Débarrasse-moi de lui, que veut-il dire avec son échantillon ?
TRIVELIN
Bon, bon, c'est de l'argent qu'il demande.
LE CHEVALIER
S'il ne tient qu'à cela pour venir à bout du dessein que je poursuis, emmène-le, et engage-le au secret ; voilà de quoi le faire taire.(À Arlequin.) Mon cher Arlequin, ne me découvre point, je te promets des échantillons tant que tu voudras ; Trivelin va t'en donner, suis-le, et ne dis mot, tu n'aurais rien si tu parlais.
ARLEQUIN
Malpeste ! je serai sage, m'aimerez-vous, petit homme ?
LE CHEVALIER
Sans doute.
TRIVELIN
Allons, mon fils, tu te souviens bien de la bouteille de fondation, allons la boire.
ARLEQUIN (sans bouger)
Allons.
TRIVELIN
Viens donc. (Au Chevalier.) Allez votre chemin, et ne vous embarrassez de rien.
ARLEQUIN (en s'en allant)
Ah, la belle trouvaille, la belle trouvaille !
Ah, je la tiens ; ah, m'amour, je me meurs, cher petit lingot d'or ! je n'en puis plus. Ah, Trivelin, je suis heureux !
TRIVELIN
Et moi volé.
LE CHEVALIER
Je suis au désespoir, mon secret est découvert.
ARLEQUIN
Laissez-moi vous contempler, cassette de mon âme, qu'elle est jolie ! Mignarde, mon cœur s'en va, je me trouve mal, vite un échantillon pour me remettre, ah, ah, ah, ah !
LE CHEVALIER (à Trivelin)
Débarrasse-moi de lui, que veut-il dire avec son échantillon ?
TRIVELIN
Bon, bon, c'est de l'argent qu'il demande.
LE CHEVALIER
S'il ne tient qu'à cela pour venir à bout du dessein que je poursuis, emmène-le, et engage-le au secret ; voilà de quoi le faire taire.(À Arlequin.) Mon cher Arlequin, ne me découvre point, je te promets des échantillons tant que tu voudras ; Trivelin va t'en donner, suis-le, et ne dis mot, tu n'aurais rien si tu parlais.
ARLEQUIN
Malpeste ! je serai sage, m'aimerez-vous, petit homme ?
LE CHEVALIER
Sans doute.
TRIVELIN
Allons, mon fils, tu te souviens bien de la bouteille de fondation, allons la boire.
ARLEQUIN (sans bouger)
Allons.
TRIVELIN
Viens donc. (Au Chevalier.) Allez votre chemin, et ne vous embarrassez de rien.
ARLEQUIN (en s'en allant)
Ah, la belle trouvaille, la belle trouvaille !
La Fausse
suivante- Acte III, scène 1 – Premier fragment
ARLEQUIN, LÉLIO
ARLEQUIN (entre pleurant)
Hi, hi, hi, hi…
LÉLIO
Dis-moi donc pourquoi tu pleures, je veux le savoir absolument.
ARLEQUIN (plus fort)
Hi, hi, hi, hi…
LÉLIO
Mais quel est le sujet de ton affliction ?
ARLEQUIN
Ah Monsieur, voilà qui est fini, je ne serai plus gaillard.
LÉLIO
Pourquoi ?
ARLEQUIN
Faute d'avoir envie de rire.
LÉLIO
Et d'où vient que tu n'as plus envie de rire, imbécile ?
ARLEQUIN
À cause de ma tristesse.
LÉLIO
Je te demande ce qui te rend triste.
ARLEQUIN
C'est un grand chagrin, Monsieur.
LÉLIO
Il ne rira plus parce qu'il est triste, et il est triste à cause d'un grand chagrin : te plaira-t-il de t'expliquer mieux ? Sais-tu bien que je me fâcherai à la fin.
ARLEQUIN
Hélas, je vous dis la vérité.
Il soupire.
LÉLIO
Tu me la dis si sottement que je n'y comprends rien : t'a-t-on fait du mal ?
ARLEQUIN
Beaucoup de mal.
LÉLIO
Est-ce qu'on t'a battu ?
ARLEQUIN
Pû, bien pis que tout cela ma foi.
LÉLIO
Bien pis que tout cela ?
ARLEQUIN
Oui, quand un pauvre homme perd de l'or, il faut qu'il meure, et je mourrai aussi, je n'y manquerai pas.
LÉLIO
Que veut dire, de l'or ?
ARLEQUIN
De l'or du Pérou, voilà comme on dit qu'il s'appelle.
LÉLIO
Est-ce que tu en avais ?
ARLEQUIN
Eh, vraiment oui, voilà mon affaire, je n'en ai plus, je pleure ; quand j'en avais j'étais bien aise.
LÉLIO
Qui est-ce qui te l'avait donné, cet or ?
ARLEQUIN
C'est monsieur le Chevalier qui m'avait fait présent de cet échantillon-là.
LÉLIO
De quel échantillon ?
ARLEQUIN
Eh ! je vous le dis.
LÉLIO
Quelle patience il faut avoir avec ce nigaud-là ! Sachons pourtant ce que c'est.
Hi, hi, hi, hi…
LÉLIO
Dis-moi donc pourquoi tu pleures, je veux le savoir absolument.
ARLEQUIN (plus fort)
Hi, hi, hi, hi…
LÉLIO
Mais quel est le sujet de ton affliction ?
ARLEQUIN
Ah Monsieur, voilà qui est fini, je ne serai plus gaillard.
LÉLIO
Pourquoi ?
ARLEQUIN
Faute d'avoir envie de rire.
LÉLIO
Et d'où vient que tu n'as plus envie de rire, imbécile ?
ARLEQUIN
À cause de ma tristesse.
LÉLIO
Je te demande ce qui te rend triste.
ARLEQUIN
C'est un grand chagrin, Monsieur.
LÉLIO
Il ne rira plus parce qu'il est triste, et il est triste à cause d'un grand chagrin : te plaira-t-il de t'expliquer mieux ? Sais-tu bien que je me fâcherai à la fin.
ARLEQUIN
Hélas, je vous dis la vérité.
Il soupire.
LÉLIO
Tu me la dis si sottement que je n'y comprends rien : t'a-t-on fait du mal ?
ARLEQUIN
Beaucoup de mal.
LÉLIO
Est-ce qu'on t'a battu ?
ARLEQUIN
Pû, bien pis que tout cela ma foi.
LÉLIO
Bien pis que tout cela ?
ARLEQUIN
Oui, quand un pauvre homme perd de l'or, il faut qu'il meure, et je mourrai aussi, je n'y manquerai pas.
LÉLIO
Que veut dire, de l'or ?
ARLEQUIN
De l'or du Pérou, voilà comme on dit qu'il s'appelle.
LÉLIO
Est-ce que tu en avais ?
ARLEQUIN
Eh, vraiment oui, voilà mon affaire, je n'en ai plus, je pleure ; quand j'en avais j'étais bien aise.
LÉLIO
Qui est-ce qui te l'avait donné, cet or ?
ARLEQUIN
C'est monsieur le Chevalier qui m'avait fait présent de cet échantillon-là.
LÉLIO
De quel échantillon ?
ARLEQUIN
Eh ! je vous le dis.
LÉLIO
Quelle patience il faut avoir avec ce nigaud-là ! Sachons pourtant ce que c'est.
La Fausse
suivante- Acte III, scène 1 – Second fragment
LÉLIO
Arlequin, fais trêve à tes
larmes ; si tu te plains de quelqu'un, j'y mettrai ordre, mais
éclaircis-moi la chose. Tu me parles d'un or du Pérou, après cela d'un
échantillon, je ne t'entends point, réponds-moi précisément. Le Chevalier
t'a-t-il donné de l'or ?
ARLEQUIN
Pas à moi, mais il l'avait donné devant moi à Trivelin pour me le rendre en main propre, mais cette main propre n'en a point tâté ; le fripon a tout gardé dans la sienne qui n'était pas plus propre que la mienne.
LÉLIO
Cet or était-il en quantité ? combien de louis y avait-il ?
ARLEQUIN
Peut-être quarante ou cinquante ; je ne les ai pas comptés.
LÉLIO
Quarante ou cinquante ! Et pourquoi le Chevalier te faisait-il ce présent-là ?
ARLEQUIN
Parce que je lui avais demandé un échantillon.
LÉLIO
Encore ton échantillon !
ARLEQUIN
Eh, vraiment oui ! monsieur le Chevalier en avait aussi donné à Trivelin.
LÉLIO
Je ne saurais débrouiller ce qu'il veut dire, il y a cependant quelque chose là-dedans qui peut me regarder. Réponds-moi, avais-tu rendu au Chevalier quelque service qui l'engageât à te récompenser ?
ARLEQUIN
Non, mais j'étais jaloux de ce qu'il aimait Trivelin, de ce qu'il avait charmé son cœur, et mis de l'or dans sa bourse, et moi je voulais aussi avoir le cœur charmé, et la bourse pleine.
LÉLIO
Quel étrange galimatias me fais-tu là !
ARLEQUIN
Il n'y a pourtant rien de plus vrai que tout cela.
LÉLIO
Quel rapport y a-t-il entre le cœur de Trivelin et le Chevalier ? Le Chevalier a-t-il de si grands charmes ? Tu parles de lui comme d'une femme.
ARLEQUIN
Tant y a qu'il est ravissant, et qu'il fera aussi rafle de votre cœur quand vous le connaîtrez. Allez pour voir lui dire : Je vous connais, et je garderai le secret, vous verrez si ce n'est pas un échantillon qui vous viendra sur-le-champ, et vous me direz si je suis fou.
LÉLIO
Je n'y comprends rien : mais qui est-il le Chevalier ?
ARLEQUIN
Voilà justement le secret qui fait avoir un présent quand on le garde.
LÉLIO
Je prétends que tu me le dises, moi.
ARLEQUIN
Vous me ruinerez, Monsieur, il ne me donnerait plus rien, ce charmant petit semblant d'homme, et je l'aime trop pour le fâcher.
LÉLIO
Ce petit semblant d'homme, que veut-il dire ? et que signifie son transport ? En quoi le trouves-tu donc plus charmant qu'un autre ?
ARLEQUIN
Ah, Monsieur, on ne voit point d'homme comme lui, il n'y en a point dans le monde, c'est folie que d'en chercher, mais sa mascarade empêche de voir cela.
LÉLIO
Sa mascarade ! Ce qu'il me dit là me fait naître une pensée que toutes mes réflexions fortifient, le Chevalier a de certains traits, un certain minois ; mais voici Trivelin, je veux le forcer à me dire la vérité, s'il la sait, j'en tirerai meilleure raison que de ce butor-là. (À Arlequin.) Va-t'en, je tâcherai de te faire ravoir ton argent.
Arlequin part en lui baisant la main et en se plaignant.
ARLEQUIN
Pas à moi, mais il l'avait donné devant moi à Trivelin pour me le rendre en main propre, mais cette main propre n'en a point tâté ; le fripon a tout gardé dans la sienne qui n'était pas plus propre que la mienne.
LÉLIO
Cet or était-il en quantité ? combien de louis y avait-il ?
ARLEQUIN
Peut-être quarante ou cinquante ; je ne les ai pas comptés.
LÉLIO
Quarante ou cinquante ! Et pourquoi le Chevalier te faisait-il ce présent-là ?
ARLEQUIN
Parce que je lui avais demandé un échantillon.
LÉLIO
Encore ton échantillon !
ARLEQUIN
Eh, vraiment oui ! monsieur le Chevalier en avait aussi donné à Trivelin.
LÉLIO
Je ne saurais débrouiller ce qu'il veut dire, il y a cependant quelque chose là-dedans qui peut me regarder. Réponds-moi, avais-tu rendu au Chevalier quelque service qui l'engageât à te récompenser ?
ARLEQUIN
Non, mais j'étais jaloux de ce qu'il aimait Trivelin, de ce qu'il avait charmé son cœur, et mis de l'or dans sa bourse, et moi je voulais aussi avoir le cœur charmé, et la bourse pleine.
LÉLIO
Quel étrange galimatias me fais-tu là !
ARLEQUIN
Il n'y a pourtant rien de plus vrai que tout cela.
LÉLIO
Quel rapport y a-t-il entre le cœur de Trivelin et le Chevalier ? Le Chevalier a-t-il de si grands charmes ? Tu parles de lui comme d'une femme.
ARLEQUIN
Tant y a qu'il est ravissant, et qu'il fera aussi rafle de votre cœur quand vous le connaîtrez. Allez pour voir lui dire : Je vous connais, et je garderai le secret, vous verrez si ce n'est pas un échantillon qui vous viendra sur-le-champ, et vous me direz si je suis fou.
LÉLIO
Je n'y comprends rien : mais qui est-il le Chevalier ?
ARLEQUIN
Voilà justement le secret qui fait avoir un présent quand on le garde.
LÉLIO
Je prétends que tu me le dises, moi.
ARLEQUIN
Vous me ruinerez, Monsieur, il ne me donnerait plus rien, ce charmant petit semblant d'homme, et je l'aime trop pour le fâcher.
LÉLIO
Ce petit semblant d'homme, que veut-il dire ? et que signifie son transport ? En quoi le trouves-tu donc plus charmant qu'un autre ?
ARLEQUIN
Ah, Monsieur, on ne voit point d'homme comme lui, il n'y en a point dans le monde, c'est folie que d'en chercher, mais sa mascarade empêche de voir cela.
LÉLIO
Sa mascarade ! Ce qu'il me dit là me fait naître une pensée que toutes mes réflexions fortifient, le Chevalier a de certains traits, un certain minois ; mais voici Trivelin, je veux le forcer à me dire la vérité, s'il la sait, j'en tirerai meilleure raison que de ce butor-là. (À Arlequin.) Va-t'en, je tâcherai de te faire ravoir ton argent.
Arlequin part en lui baisant la main et en se plaignant.
La Fausse suivante- Acte III, scène 9
LE CHEVALIER, LÉLIO, ARLEQUIN
ARLEQUIN
Je vous demande pardon si je vous suis importun, monsieur le Chevalier, mais ce larron de Trivelin ne veut pas me rendre l'argent que vous lui avez donné pour moi, j'ai pourtant été bien discret, vous m'avez ordonné de ne pas dire que vous étiez fille, demandez à M. Lélio si je lui en ai dit un mot, il n'en sait rien, et je ne lui apprendrai jamais.
LE CHEVALIER (étonné)
Peste soit du faquin, je n'y saurais plus tenir.
ARLEQUIN (tristement)
Comment faquin, c'est donc comme cela que vous m'aimez ? (À Lélio.) Tenez, Monsieur, écoutez mes raisons, je suis venu tantôt que Trivelin lui disait, que tu es charmante ma poule, baise-moi. Non. Donne-moi donc de l'argent, ensuite il a avancé la main pour prendre cet argent ; mais la mienne était là, et il est tombé dedans. Quand le Chevalier a vu que j'étais là, Mon fils, m'a-t-il dit, n'apprends pas au monde que je suis une fillette. Non, mamour ; mais donnez-moi votre cœur. Prends, a-t-elle repris ; ensuite elle a dit à Trivelin de me donner de l'or, nous avons été boire ensemble, le cabaret en est témoin, et je reviens exprès pour avoir l'or et le cœur, et voilà qu'on m'appelle un faquin. (Le Chevalier rêve.)
LÉLIO
Va-t'en, laisse-nous, et ne dis mot à personne.
ARLEQUIN (sort)
Ayez donc soin de mon bien. Hé, hé, hé.
Je vous demande pardon si je vous suis importun, monsieur le Chevalier, mais ce larron de Trivelin ne veut pas me rendre l'argent que vous lui avez donné pour moi, j'ai pourtant été bien discret, vous m'avez ordonné de ne pas dire que vous étiez fille, demandez à M. Lélio si je lui en ai dit un mot, il n'en sait rien, et je ne lui apprendrai jamais.
LE CHEVALIER (étonné)
Peste soit du faquin, je n'y saurais plus tenir.
ARLEQUIN (tristement)
Comment faquin, c'est donc comme cela que vous m'aimez ? (À Lélio.) Tenez, Monsieur, écoutez mes raisons, je suis venu tantôt que Trivelin lui disait, que tu es charmante ma poule, baise-moi. Non. Donne-moi donc de l'argent, ensuite il a avancé la main pour prendre cet argent ; mais la mienne était là, et il est tombé dedans. Quand le Chevalier a vu que j'étais là, Mon fils, m'a-t-il dit, n'apprends pas au monde que je suis une fillette. Non, mamour ; mais donnez-moi votre cœur. Prends, a-t-elle repris ; ensuite elle a dit à Trivelin de me donner de l'or, nous avons été boire ensemble, le cabaret en est témoin, et je reviens exprès pour avoir l'or et le cœur, et voilà qu'on m'appelle un faquin. (Le Chevalier rêve.)
LÉLIO
Va-t'en, laisse-nous, et ne dis mot à personne.
ARLEQUIN (sort)
Ayez donc soin de mon bien. Hé, hé, hé.
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