vendredi 2 janvier 2015

Mardi 4 novembre - Première séance avec Jürgen - Le point de vue de Julien


Compte-rendu du 4 novembre 2014 avec Jürgen





Lors de cette séance, nous avons rencontré le comédien Jürgen, un as dans le théâtre, son Curriculum Vitae a assommé l'assemblée. Ce n'est quand même pas rien de collaborer avec différents pays pour une pièce, on travaille avec lui pour huit semaines, j'imagine que ça se passera bien.
Nous avons commencé par des échauffements, c'est devenu une habitude de nos cours du mardi après-midi sauf que le contenu avait changé, tout comme l'acteur. C'est intéressant de voir que nous allons aborder le théâtre sous une autre forme avec Jürgen mais aussi sur un texte plus contemporain que celui de la Comedia. Je pense que je vais m'épanouir dans ces phases de travail. Du peu que j'ai lu de son œuvre, je peux dire que j'aime Tchekhov et le nouveau comédien ne m'a pas l'air, pour l'instant, trop méchant. Il nous a expliqués que la séance allait être courte à cause d'une grève des cheminots, comme quoi le malheur des uns touche aussi les autres.

Le premier échauffement consistait à se mettre en cercle et à répéter le son "Zip" en le saisissant à la gauche et en le renvoyant à la droite. Il fallait être de plus en plus rapide, ce n'est pas mon point fort la rapidité, je me suis senti lent dans mes actions, je regardais les autres et j'avais toujours l'impression que ça ralentissait quand c'était mon tour. Il faut dire que je faisais les gestes dans l'entièreté aussi, je regardais la personne qui m'envoyait le "Zip", je le prenais entre mes mains, je me retournais et grâce au regard et à mes mains je l'expédiais. J'ai vu certains dans le groupe qui se contentaient d'attendre le dos tourné à l'expéditeur et qui le renvoyaient vite, mais dites-moi alors, où est le contact ? Comment peut-on établir un lien sans regard ? Ce devait être des aveugles, ils ne voyaient pas le mot dans les bras du partenaire, mais ils le projetaient vite fait à l'autre, c'est dommage je trouve. L'exercice a évolué, maintenant, nous avions le "Zep" qui agissait dans l'autre sens, le cercle pouvait changer de direction au goût de chacun. 
Chaque erreur était sanctionnée par une touche au sol, sauf pour moi, je touchais le mur. Puis une nouvelle chose est entrée en jeu, le mur qui fait "Boing" et qui fait rebondir le "Zip" ou "Zep", cela donnait de drôles de situations puisque certains se retrouvaient bloqués entre deux murs, emprisonnés sans même avoir le temps de plaider "Zip" à la défense et "Boing" à l'accusation. Dans ce cas là, le "Joker" est arrivé, c'est une sorte de justicier qui aide les causes perdues, par contre, il ne supprime pas les problèmes, ils existent encore mais pour une autre personne qui a plus de chance de s'en sortir. Le dernier né de cette famille nombreuse était le "Splash", l'on devait se baisser pour esquiver les problèmes, c'était alors au suivant de réagir, après réflexion je me demande que serait devenu un "Zep" ou "Zip" si tout le cercle avait fait "Splash", se serait-il noyé ? Non, je ne pense pas, Jürgen l'aurait sauvé, c'est quand même son idée ! 
 
Le second exercice consistait à rester en cercle et à imaginer un ballon, nous devions nous le lancer en criant sa couleur. Au début, il n'y avait qu'une balle, c'était simple je me rappelle même de sa couleur ... rouge, je crois... je ne suis pas sûr... mais ce n'est qu'un détail après tout. Jürgen a augmenté la difficulté, maintenant, il s'agissait de deux balles qui se baladaient dans notre cercle, les couleurs importent peu, ah si, elles avaient des couleurs différentes, ce serait trop facile sinon. Puis, nous sommes passés à trois, parce qu'après tout jamais deux sans trois, heureusement le "jamais trois sans quatre" n'existe pas encore, sauf dans la bouche de certains qui en veulent toujours plus. 
Cet exercice était très intéressant et marrant, il paraît qu'il était beau à voir de l'extérieur, et pourtant il nous faisait travailler énormément de choses. Il y avait la mémoire, il fallait retenir la couleur de chaque balle, mais aussi l'attention, il valait mieux savoir qui avait une balle en main, puis un peu de mime pour nous aider à créer cette balle et à vivre notre jeu.
 
Le prochain exercice est plus simple, il ne s'agit pas de jouer véritablement. Non, il suffit de s'asseoir sur une chaise, au milieu de la scène, seul, devant tous les autres, reposant n'est-ce pas ? Il fallait regarder notre public en étant passif, j'ai regardé les comédiens qui sont passés avant moi et j'ai trouvé leur regard très lent, ils prenaient le temps de s'arrêter sur chaque personne, presque mécanique pour certains. Lorsque je suis passé, et bien, je n'étais pas à l'aise, j'ai souhaité briser cette lenteur par quelques regards balayant l'ensemble, après je m'arrêtais sur les personnes qui m'intéressait, je ne me suis pas trouvé bon dans cet exercice, c'est pourquoi je n'y suis pas retourné lors de la seconde version. Justement, venons-en à cette nouvelle mutation de l'exercice, cette fois nous devions passer en pensant à un texte ou à un moment joyeux, nous devions exprimer la joie. A vrai dire, je n'ai pas compris l'ensemble de ces exercices, d'ailleurs j'aimerais bien en discuter avec Jürgen pour qu'il éclaire ma pensée brumeuse, je ne me sens pas capable de juger la prestation des autres sans explication.

Après ces moments "seul en scène", nous avons repris le travail sur le plateau. Cette fois nous devions trottiner en occupant au maximum l'espace. Au bout d'une minute de trot, nous avons entamés un nouvel exercice, il se composait de trois actions: immobile, bras vers le haut et bras vers le bas. Dans le groupe, un meneur était choisi au hasard, il devait choisir plusieurs actions et les faire faire au groupe, la difficulté était que le mouvement sur le plateau continuait. Dès que le leader faisait l'action, le groupe le répétait et c'était aux acteurs de capter ce mouvement grâce à l'attention des autres. C'était un exercice très intéressant, lorsque je menais le groupe j'essayais de trouver des façons pour montrer au groupe que l'un des signes allait arriver. J’accélérais lorsque je voulais attraper en hauteur, je ralentissais lorsque je souhaitais être immobile, et je baissais la tête lorsque je voulais descendre le bras. Je ne sais pas si ça a marché auprès des autres, mais j'étais content de mon travail.

Le prochain exercice était de se mettre en binôme avec un camarade, le hasard a voulu que ce soit Isaura pour moi. Nous devions jouer un aveugle et son guide, l'aveugle devait juste fermer les yeux et faire confiance au partenaire, le guide devait avoir une attention permanente pour guider l'autre dans sa marche. Lorsque j'étais aveugle, c'était difficile de faire confiance à une partenaire plus petite que moi, plusieurs fois j'ai eu l'impression que ma jambe se levait pour atterrir dans un précipice, comme si j'étais au bord du gouffre et qu'on m'accompagnait à ma chute. De plus, mon corps, soumit à ce stress, commença à utiliser cette énergie pour me faire réagir violemment au niveau des paupières, je n'arrivais plus à contrôler la fermeture et l'ouverture de mes yeux, elles tremblaient. Lorsque ce fut à mon tour de la diriger, je me suis posé comme question « Quel endroit peut diriger une personne tout en lui inspirant confiance ? », la réponse vînt des épaules. J'ai pensé aux épaules parce qu'elles permettent de tourner le corps en entier facilement et que c'est aussi un bon moyen pour avoir confiance en quelqu'un, les épaules sont, en quelque sort, les derniers remparts avant la tête. J'établis alors un code sans lui en dire un mot, une tape sur le bras droit signifiait une descente, une tape sur le bras gauche, une montée. Nous avons plus d'une fois expérimenté la descente sur scène, mais aussi le passage de certains obstacles comme des sacs abandonnés par leurs propriétaires. J'étais content du travail effectué parce qu'Isaura a eu entièrement confiance en mon guidage, j'avais peur qu'au début ça ne soit pas facile, mais elle s'est complètement abandonnée à moi dans cet exercice. J'ai adoré le pratiquer, il permet de travailler l'attention, la concentration et la confiance dans l'autre.
Le dernier exercice, consistait à trouver un partenaire et à le fixer, droit dans les yeux, durant dix minutes, sans décrocher une seul fois le regard, j'étais avec Margaux pour celui là. Les premières minutes sont difficiles, nous sommes immobiles, à nous regarder dans le fond des yeux, mais au fur et à mesure cette tension diminuait, cela devenait normal de se regarder droit dans les yeux. Nous devions maintenant bouger lentement en continuant le regard fixe sur notre camarade, c'était difficile parce qu'humainement nous avons le réflexe de regarder autour de soi avant de bouger, mais là, c'était différent. Je me suis heurté avec certains autres qui faisaient le même exercice, ce n'est pas grave. Pour finir, nous devions nous séparer sans nous quitter du regard, j'étais au fond de la scène tandis que Margaux était au fond de la classe, il fallait ressentir une émotion « comme si c'était la dernière fois que vous la voyez ». Le sentiment est monté de suite, je sentais les larmes qui montaient auprès de mes yeux, mes sourcils se crispèrent, ils ne comprenaient pas la situation, je ne ressentais que de la tristesse. J'ai appris que le regard était très important au théâtre, il doit être précis et accompagner l'autre dans son action, sans regard direct avec les partenaires il n'y a pas de vie sur scène. Alors, l'émotion monte plus facilement, parce que nous ressentons vraiment les sentiments au lieu de les reproduire.

Nous avons fini sur ça, Jürgen nous quitta pour retourner à Bordeaux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire