Compte-rendu
du 4 novembre 2014 avec Jürgen
Lors de cette séance, nous avons rencontré le
comédien Jürgen, un as dans le théâtre, son Curriculum Vitae a
assommé l'assemblée. Ce n'est quand même pas rien de collaborer
avec différents pays pour une pièce, on travaille avec lui pour
huit semaines, j'imagine que ça se passera bien.
Nous avons commencé par des échauffements, c'est
devenu une habitude de nos cours du mardi après-midi sauf que le
contenu avait changé, tout comme l'acteur. C'est intéressant de
voir que nous allons aborder le théâtre sous une autre forme avec
Jürgen mais aussi sur un texte plus contemporain que celui de la
Comedia. Je pense que je vais m'épanouir dans ces phases de travail.
Du peu que j'ai lu de son œuvre, je peux dire que j'aime Tchekhov et
le nouveau comédien ne m'a pas l'air, pour l'instant, trop méchant.
Il nous a expliqués que la séance allait être courte à cause
d'une grève des cheminots, comme quoi le malheur des uns touche
aussi les autres.
Le premier échauffement consistait à se mettre en
cercle et à répéter le son "Zip" en le saisissant à la
gauche et en le renvoyant à la droite. Il fallait être de plus en
plus rapide, ce n'est pas mon point fort la rapidité, je me suis
senti lent dans mes actions, je regardais les autres et j'avais
toujours l'impression que ça ralentissait quand c'était mon tour.
Il faut dire que je faisais les gestes dans l'entièreté aussi, je
regardais la personne qui m'envoyait le "Zip", je le
prenais entre mes mains, je me retournais et grâce au regard et à
mes mains je l'expédiais. J'ai vu certains dans le groupe qui se
contentaient d'attendre le dos tourné à l'expéditeur et qui le
renvoyaient vite, mais dites-moi alors, où est le contact ? Comment
peut-on établir un lien sans regard ? Ce devait être des aveugles,
ils ne voyaient pas le mot dans les bras du partenaire, mais ils le
projetaient vite fait à l'autre, c'est dommage je trouve. L'exercice
a évolué, maintenant, nous avions le "Zep" qui agissait
dans l'autre sens, le cercle pouvait changer de direction au goût de
chacun.
Chaque erreur était sanctionnée par une touche au sol, sauf
pour moi, je touchais le mur. Puis une nouvelle chose est entrée en jeu, le mur qui fait
"Boing" et qui fait rebondir le "Zip" ou "Zep",
cela donnait de drôles de situations puisque certains se retrouvaient
bloqués entre deux murs, emprisonnés sans même avoir le temps de
plaider "Zip" à la défense et "Boing" à
l'accusation. Dans ce cas là, le "Joker" est arrivé,
c'est une sorte de justicier qui aide les causes perdues, par contre,
il ne supprime pas les problèmes, ils existent encore mais pour une
autre personne qui a plus de chance de s'en sortir. Le dernier né de
cette famille nombreuse était le "Splash", l'on devait se
baisser pour esquiver les problèmes, c'était alors au suivant de
réagir, après réflexion je me demande que serait devenu un "Zep"
ou "Zip" si tout le cercle avait fait "Splash", se serait-il noyé ? Non, je ne pense pas, Jürgen l'aurait sauvé,
c'est quand même son idée !
Le second exercice consistait à rester en cercle et à
imaginer un ballon, nous devions nous le lancer en criant sa couleur.
Au début, il n'y avait qu'une balle, c'était simple je me rappelle
même de sa couleur ... rouge, je crois... je ne suis pas sûr...
mais ce n'est qu'un détail après tout. Jürgen a augmenté la
difficulté, maintenant, il s'agissait de deux balles qui se
baladaient dans notre cercle, les couleurs importent peu, ah si,
elles avaient des couleurs différentes, ce serait trop facile sinon.
Puis, nous sommes passés à trois, parce qu'après tout jamais deux
sans trois, heureusement le "jamais trois sans quatre"
n'existe pas encore, sauf dans la bouche de certains qui en veulent
toujours plus.
Cet exercice était très intéressant et marrant, il
paraît qu'il était beau à voir de l'extérieur, et pourtant il
nous faisait travailler énormément de choses. Il y avait la
mémoire, il fallait retenir la couleur de chaque balle, mais aussi
l'attention, il valait mieux savoir qui avait une balle en main, puis
un peu de mime pour nous aider à créer cette balle et à vivre
notre jeu.
Le prochain exercice est plus simple, il ne s'agit pas
de jouer véritablement. Non, il suffit de s'asseoir sur une
chaise, au milieu de la scène, seul, devant tous les autres,
reposant n'est-ce pas ? Il fallait regarder notre public en étant
passif, j'ai regardé les comédiens qui sont passés avant moi et
j'ai trouvé leur regard très lent, ils prenaient le temps de
s'arrêter sur chaque personne, presque mécanique pour certains.
Lorsque je suis passé, et bien, je n'étais pas à l'aise, j'ai
souhaité briser cette lenteur par quelques regards balayant
l'ensemble, après je m'arrêtais sur les personnes qui
m'intéressait, je ne me suis pas trouvé bon dans cet exercice,
c'est pourquoi je n'y suis pas retourné lors de la seconde version.
Justement, venons-en à cette nouvelle mutation de l'exercice, cette
fois nous devions passer en pensant à un texte ou à un moment
joyeux, nous devions exprimer la joie. A vrai dire, je n'ai pas
compris l'ensemble de ces exercices, d'ailleurs j'aimerais bien en
discuter avec Jürgen pour qu'il éclaire ma pensée brumeuse, je ne
me sens pas capable de juger la prestation des autres sans
explication.
Après ces moments "seul en scène", nous
avons repris le travail sur le plateau. Cette fois nous devions
trottiner en occupant au maximum l'espace. Au bout d'une
minute de trot, nous avons entamés un nouvel exercice, il se
composait de trois actions: immobile, bras vers le haut et bras vers
le bas. Dans le groupe, un meneur était choisi au hasard, il devait
choisir plusieurs actions et les faire faire au groupe, la difficulté
était que le mouvement sur le plateau continuait. Dès que le leader
faisait l'action, le groupe le répétait et c'était aux acteurs de
capter ce mouvement grâce à l'attention des autres. C'était un
exercice très intéressant, lorsque je menais le groupe j'essayais
de trouver des façons pour montrer au groupe que l'un des signes
allait arriver. J’accélérais lorsque je voulais attraper en
hauteur, je ralentissais lorsque je souhaitais être immobile, et je
baissais la tête lorsque je voulais descendre le bras. Je ne sais
pas si ça a marché auprès des autres, mais j'étais content de mon
travail.
Le prochain exercice était de se mettre en binôme
avec un camarade, le hasard a voulu que ce soit Isaura pour moi. Nous
devions jouer un aveugle et son guide, l'aveugle devait juste fermer
les yeux et faire confiance au partenaire, le guide devait avoir une
attention permanente pour guider l'autre dans sa marche. Lorsque
j'étais aveugle, c'était difficile de faire confiance à une
partenaire plus petite que moi, plusieurs fois j'ai eu l'impression
que ma jambe se levait pour atterrir dans un précipice, comme si
j'étais au bord du gouffre et qu'on m'accompagnait à ma chute. De
plus, mon corps, soumit à ce stress, commença à utiliser cette
énergie pour me faire réagir violemment au niveau des paupières,
je n'arrivais plus à contrôler la fermeture et l'ouverture de mes
yeux, elles tremblaient. Lorsque ce fut à mon tour de la diriger, je
me suis posé comme question « Quel endroit peut diriger une
personne tout en lui inspirant confiance ? », la réponse
vînt des épaules. J'ai pensé aux épaules parce qu'elles
permettent de tourner le corps en entier facilement et que c'est
aussi un bon moyen pour avoir confiance en quelqu'un, les épaules
sont, en quelque sort, les derniers remparts avant la tête.
J'établis alors un code sans lui en dire un mot, une tape sur le
bras droit signifiait une descente, une tape sur le bras gauche, une
montée. Nous avons plus d'une fois expérimenté la descente sur
scène, mais aussi le passage de certains obstacles comme des sacs
abandonnés par leurs propriétaires. J'étais content du travail
effectué parce qu'Isaura a eu entièrement confiance en mon guidage,
j'avais peur qu'au début ça ne soit pas facile, mais elle s'est
complètement abandonnée à moi dans cet exercice. J'ai adoré le
pratiquer, il permet de travailler l'attention, la concentration et
la confiance dans l'autre.
Le dernier exercice, consistait à trouver un
partenaire et à le fixer, droit dans les yeux, durant dix minutes,
sans décrocher une seul fois le regard, j'étais avec Margaux pour
celui là. Les premières minutes sont difficiles, nous sommes
immobiles, à nous regarder dans le fond des yeux, mais au fur et à
mesure cette tension diminuait, cela devenait normal de se regarder
droit dans les yeux. Nous devions maintenant bouger lentement en
continuant le regard fixe sur notre camarade, c'était difficile
parce qu'humainement nous avons le réflexe de regarder autour de soi
avant de bouger, mais là, c'était différent. Je me suis heurté
avec certains autres qui faisaient le même exercice, ce n'est pas
grave. Pour finir, nous devions nous séparer sans nous quitter du
regard, j'étais au fond de la scène tandis que Margaux était au
fond de la classe, il fallait ressentir une émotion « comme si
c'était la dernière fois que vous la voyez ». Le sentiment
est monté de suite, je sentais les larmes qui montaient auprès de
mes yeux, mes sourcils se crispèrent, ils ne comprenaient pas la
situation, je ne ressentais que de la tristesse. J'ai appris que le
regard était très important au théâtre, il doit être précis et
accompagner l'autre dans son action, sans regard direct avec les
partenaires il n'y a pas de vie sur scène. Alors, l'émotion monte
plus facilement, parce que nous ressentons vraiment les sentiments au
lieu de les reproduire.
Nous avons fini sur ça, Jürgen nous quitta pour
retourner à Bordeaux.
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