jeudi 28 août 2014


1ère 7 STL – COURS DE FRANÇAIS – Professeur : Marie PONSOT


MATERIEL ET CONSIGNES


·         Un classeur grand format avec des intercalaires (une dizaine) pour délimiter les séquences et organiser vos cours. Des feuilles simples et doubles (pour les devoirs). Des surligneurs pour l’étude des textes.
·         Un cahier petit format pour l’élaboration du carnet de lectures
·         Le manuel Terres Littéraires sera votre outil de travail – en cours comme à la maison.

LECTURES CURSIVES ET COMPLEMENTAIRES (elles sont obligatoires, et figureront dans le carnet de lectures…)
Les livres ont été commandés à la librairie « Les beaux jours »   Avenue de la Marne – ne tardez pas à vous procurer les ouvrages étudiés au premier trimestre, ils sont soulignés ci-dessous…)
         Liste des livres à lire
-          L’Etranger, Albert Camus  (Edition Folio – 5,30 euros)
-          J’irai cracher sur vos tombes, Boris Vian – (Le Livre de Poche – 5,50 euros)
-          Dictionnaire des idées reçues, Flaubert (Livre de poche – 3,60 euros)
-          Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès – Editions de Minuit
-          Incendies, de Wajdi Mouawad (Editions Babel théâtre : 7 euros)
-          Œuvres complètes, Rimbaud (Edition proposée : 3,05 euros - l’édition choisie doit obligatoirement comprendre Les Cahiers de Douai, les Poésies, les Illuminations, les Lettres du Voyant et Une saison en Enfer)

INITIATION AU SPECTACLE VIVANT – Proposition d'un parcours culturel
Dans le cadre de la programmation 2014-2015 du Parvis et du PARI, les spectacles suivants vous sont proposés, une fiche individuelle vous sera remise pour vous inscrire pour ces spectacles.

LE LOCATAIRETyde compagny
 THEATRE GESTUEL / CIRQUE – Jeudi 9 octobre  au PARI5 euros
TRUST Théâtre
Vendredi 7 nov – 18h30 au PARVIS - 10 euros
L’INSTANTCompagnie Théâtre décomposéTHEATRE
Représentation le jeudi 5 mars – au PARI - 5 euros
THE ROOTS DANSE HIP HOP – ACCRO
 Mardi 5 mai – 20h30 au PARVIS – 10 euros


DIDEROT - PARADOXE SUR LE COMEDIEN

Paradoxe sur le comédien Denis Diderot – 1773 Morceaux choisis 


·        LES QUALITES DU COMEDIEN


LE PREMIER
[…] Mais le point important, sur lequel nous avons des opinions tout à fait opposées, votre auteur et moi, ce sont les qualités premières d’un grand comédien. Moi, je lui veux beaucoup de jugement ; il me faut dans cet homme un spectateur froid et tranquille ; j’en exige, par conséquent, de la pénétration et nulle sensibilité, l’art de tout imiter, ou, ce qui revient au même, une égale aptitude à toutes sortes de caractères et de rôles.
LE SECOND
Nulle sensibilité !
LE PREMIER
Si le comédien était sensible, de bonne foi lui serait-il permis de jouer deux fois de suite un même rôle avec la même chaleur et le même succès ? Très chaud à la première représentation, il serait épuisé et froid comme un marbre à la troisième. Au lieu qu’imitateur attentif et disciple réfléchi de la nature, la première fois qu’il se présentera sur la scène sous le nom d’Auguste, de Cinna, d’Orosmane, d’Agamemnon, de Mahomet, copiste rigoureux de lui-même ou de ses études, et observateur continu de nos sensations, son jeu, loin de s’affaiblir, se fortifiera des réflexions nouvelles qu’il aura recueillies ; il s’exaltera ou se tempérera, et vous en serez de plus en plus satisfait. S’il est lui quand il joue, comment cessera-t-il d’être lui ? S’il veut cesser d’être lui, comment saisira-t-il le point juste auquel il faut qu’il se place et s’arrête ? Ce qui me confirme dans mon opinion, c’est l’inégalité des acteurs qui jouent d’âme. Ne vous attendez de leur part à aucune unité ; leur jeu est alternativement fort et faible, chaud et froid, plat et sublime. Ils manqueront demain l’endroit où ils auront excellé aujourd’hui ; en revanche, ils excelleront dans celui qu’ils auront manqué la veille. Au lieu que le comédien qui jouera de réflexion, d’étude de la nature humaine, d’imitation constante d’après quelque modèle idéal, d’imagination, de mémoire, sera un, le même à toutes les représentations, toujours également parfait : tout a été mesuré, combiné, appris, ordonné dans sa tête ; il n’y a dans sa déclamation ni monotonie, ni dissonance. La chaleur a son progrès, ses élans, ses rémissions, son commencement, son milieu, son extrême. Ce sont les mêmes accents, les mêmes positions, les mêmes mouvements, s’il y a quelque différence d’une représentation à l’autre, c’est ordinairement à l’avantage de la dernière. Il ne sera pas journalier : c’est une glace toujours disposée à montrer les objets et à les montrer avec la même précision, la même force et la même vérité. Ainsi que le poète, il va sans cesse puiser dans le fonds inépuisable de la nature, au lieu qu’il aurait bientôt vu le terme de sa propre richesse.
Quel jeu plus parfait que celui de la Clairon ? Cependant suivez-la, étudiez-la, et vous serez convaincu qu’à la sixième représentation elle sait par cœur tous les détails de son jeu comme tous les mots de son rôle. Sans doute elle s’est fait un modèle auquel elle a d’abord cherché à se conformer, sans doute elle a conçu ce modèle le plus haut, le plus grand, le plus parfait qu’il lui a été possible ; mais ce modèle qu’elle a emprunté de l’histoire, ou que son imagination a créé comme un grand fantôme, ce n’est pas elle, si ce modèle n’était que de sa hauteur, que son action serait faible et petite ! Quand, à force de travail, elle a approché de cette idée le plus près qu’elle a pu, tout est fini, se tenir ferme là, c’est une pure affaire d’exercice et de mémoire. Si vous assistiez à ses études, combien de fois vous lui diriez : Vous y êtes !... combien de fois elle vous répondrait : Vous vous trompez !... C’est comme Le Quesnoy, à qui son ami saisissait le bras, et criait : Arrêtez ! le mieux est l’ennemi du bien : vous allez tout gâter... Vous voyez ce que j’ai fait, répliquait l’artiste haletant au connaisseur émerveillé, mais vous ne voyez pas ce que j’ai là, et ce que je poursuis. Je ne doute point que la Clairon n’éprouve le tourment du Quesnoy dans ses premières tentatives ; mais la lutte passée, lorsqu’elle s’est une fois élevée à la hauteur de son fantôme, elle se possède, elle se répète sans émotion.
Dans ce moment elle est double : la petite Clairon et la grande Agrippine.
LE SECOND
Rien, à vous entendre, ne ressemblerait tant à un comédien sur la scène ou dans ses études, que les enfants qui, la nuit, contrefont les revenants sur les cimetières, en élevant au-dessus de leurs têtes un grand drap blanc au bout d’une perche, et faisant sortir de dessous ce catafalque une voix lugubre qui effraie les passants.
LE PREMIER
Vous avez raison. Il n’en est pas de la Dumesnil ainsi que de la Clairon. Elle monte sur les planches sans savoir ce qu’elle dira ; la moitié du temps elle ne sait ce qu’elle dit, mais il vient un moment sublime. Et pourquoi l’acteur différerait –il du poète, du peintre, de l’orateur, du musicien ? Ce n’est pas dans la fureur du premier jet que les traits caractéristiques se présentent, c’est dans des moments tranquilles et froids, dans des moments tout à fait inattendus. On ne sait d’où ces traits viennent, ils tiennent de l’inspiration. C’est lorsque, suspendus entre la nature et leur ébauche ces génies portent alternativement un œil attentif sur l’une et l’autre ; les beautés d’inspiration, les traits fortuits qu’ils répandent dans leurs ouvrages, et dont l’apparition subite les étonne eux-mêmes, sont d’un effet et d’un succès bien autrement assurés que ce qu’ils ont jeté de boutade. C’est au sang froid à tempérer le délire de l’enthousiasme. Ce n’est pas l’homme violent qui est hors de lui-même qui dispose de nous ; c’est un avantage réservé à l’homme qui se possède. Les grands poètes dramatiques surtout sont spectateurs assidus de ce qui se passe autour d’eux dans le monde physique et dans le monde moral.
LE SECOND : Qui n’est qu’un.
LE PREMIER 
 Ils saisissent tout ce qui les frappe ; ils en font des recueils. C’est de ces recueils formés en eux, à leur insu, que tant de phénomènes rares passent dans leurs ouvrages. Les hommes chauds, violents, sensibles, sont en scène ; ils donnent le spectacle, mais ils n’en jouissent pas. C’est d’après eux que l’homme de génie fait sa copie. Les grand poètes, les grands acteurs, et peut-être en général tous les grands imitateurs de la nature, quels qu’ils soient, doués d’une belle imagination, d’un grand jugement, d’un tact fin, d’un goût très sûr, sont les êtres les moins sensibles. Ils sont également propres à trop de choses ; ils sont trop occupés à regarder, à reconnaître et à imiter, pour être vivement affectés au-dedans d’eux-mêmes. Je les vois sans cesse le portefeuille sur les genoux et le crayon à la main. Nous sentons, nous ; eux, ils observent, étudient et peignent. Le dirai- je ? Pourquoi non ? La sensibilité n’est guère la qualité d’un grand génie. Il aimera la justice ; mais il exercera cette vertu sans en recueillir la douceur. Ce n’est pas son cœur, c’est sa tête qui fait tout. À la moindre circonstance inopinée, l’homme sensible la perd ; il ne sera ni un grand roi, ni un grand ministre. ni un grand capitaine, ni un grand avocat, ni un grand médecin. Remplissez la salle du spectacle de ces pleureurs-là, mais ne m’en placez aucun sur la scène. Voyez les femmes ; elles nous surpassent certainement, et de fort loin, en sensibilité : quelle comparaison d’elles à nous dans les instants de la passion ! Mais autant nous le leur cédons quand elles agissent, autant elles restent au-dessous de nous quand elles imitent. La sensibilité n’est jamais sans faiblesse d’organisation. La larme qui s’échappe de l’homme vraiment homme nous touche plus que tous les pleurs d’une femme. Dans la grande comédie, la comédie du monde, celle à laquelle j’en reviens toujours, toutes les âmes chaudes occupent le théâtre ; tous les hommes de génie sont au parterre. Les premiers s’appellent des fous ; les seconds, qui s’occupent à copier leurs folies, s’appellent des sages. C’est l’oeil du sage qui saisit le ridicule de tant de personnages divers, qui le peint, et qui vous fait rire et de ces fâcheux originaux dont vous avez été la victime, et de vous-même. C’est lui qui vous observait, et qui traçait la copie comique et du fâcheux et de votre supplice. Ces vérités seraient démontrées que les grands comédiens n’en conviendraient pas ; c’est leur secret. Les acteurs médiocres ou novices sont faits pour les rejeter, et l’on pourrait dire de quelques autres qu’ils croient sentir, comme on a dit du superstitieux, qu’il croit croire ; et que sans la foi pour celui-ci, et sans la sensibilité pour celui là, il n’y a point de salut. Mais quoi ? dira-t-on, ces accents si plaintifs, si douloureux, que cette mère arrache du fond de ses entrailles, et dont les miennes sont si violemment secouées, ce n’est pas le sentiment actuel qui les produit, ce n’est pas le désespoir qui les inspire ? Nullement ; et la preuve, c’est qu’ils sont mesurés ; qu’ils font partie d’un système de déclamation ; que plus bas ou plus aigus de la vingtième partie d’un quart de ton, ils sont faux ; qu’ils sont soumis à une loi d’unité ; qu’ils sont, comme dans l’harmonie, préparés et sauvés ; qu’ils ne satisfont à toutes les conditions requises que par une longue étude ; qu’ils concourent à la solution d’un problème proposé, que pour être poussés juste, ils ont été répétés cent fois, et que malgré ces fréquentes répétitions, on les manque encore ; c’est
qu’avant de dire : Zaïre, vous pleurez ! ou, Vous y serez, ma fille, l’acteur s’est longtemps écouté lui-même ; c’est qu’il s’écoute au moment où il vous trouble, et que tout son talent consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment, que vous vous y trompiez. Les cris de sa douleur sont notés dans son oreille. Les gestes de son désespoir sont de mémoire, et ont été préparés devant une glace. Il sait le moment précis où il tirera son mouchoir et où les larmes couleront ; attendez-les à ce mot, à cette syllabe, ni plus tôt ni plus tard. Ce tremblement de la voix, ces mots suspendus, ces sons étouffés ou traînés, ce frémissement des membres, ce vacillement des genoux, ces évanouissements, ces fureurs, pure imitation, leçon recordée d’avance, grimace pathétique, singerie sublime dont l’acteur garde le souvenir longtemps après l’avoir étudiée, dont il avait la conscience présente au moment où il l’exécutait, qui lui laisse, heureusement pour le poète, pour le spectateur et pour lui, toute la liberté de son esprit, et qui ne lui ôte, ainsi que les autres exercices que la force du corps. Le socque ou le cothurne déposé, sa voix est éteinte, il éprouve une extrême fatigue, il va changer de linge ou se coucher ; mais il ne lui reste ni trouble, ni douleur, ni mélancolie, ni affaissement d’âme. C’est vous qui remportez toutes ces impressions. L’acteur est las, et vous triste, c’est qu’il s’est démené sans rien sentir, et que vous avez senti sans vous démener. S’il en était autrement, la condition du comédien serait la plus malheureuse des conditions ; mais il n’est pas le personnage, il le joue et le joue si bien que vous le prenez pour tel : l’illusion n’est que pour vous ; il sait bien, lui, qu’il ne l’est pas.
[…] J’insiste donc, et je dis : « C’est l’extrême sensibilité qui fait les acteurs médiocres ; c’est la sensibilité médiocre qui fait la multitude des mauvais acteurs ; et c’est le manque absolu de sensibilité qui prépare les acteurs sublimes. » […]



·        NATURE ET VERITE


LE PREMIER
Réfléchissez un moment sur ce qu’on appelle au théâtre être vrai. Est-ce y montrer les choses comme elles sont en nature ? Aucunement. Le vrai en ce sens ne serait que le commun. Qu’est-ce donc que le vrai de la scène ? C’est la conformité des actions, des discours, de la figure, de la voix, du mouvement, du geste, avec un modèle idéal imaginé par le poète, et souvent exagéré par le comédien. Voilà le merveilleux. Ce modèle n’influe pas seulement sur le ton ; il modifie jusqu’à la démarche, jusqu’au maintien. De là vient que le comédien dans la rue ou sur la scène sont deux personnages si différents, qu’on a peine à les reconnaître. La première fois que je vis Mlle Clairon chez elle, je m’écriai tout naturellement : « Ah ! mademoiselle, je vous croyais de toute la tête plus grande. »Une femme malheureuse, et vraiment malheureuse, pleure et ne vous touche point : il y a pis, c’est qu’un trait léger qui la défigure vous fait rire ; c’est qu’un accent qui lui est propre dissone à votre oreille et vous blesse, c’est qu’un mouvement qui lui est habituel vous montre sa douleur ignoble et maussade ; c’est que les passions outrées sont presque toutes sujettes à des grimaces que l’artiste sans goût copie servilement, mais que le grand artiste évite.[…] Ce n’est pas que la pure nature n’ait ses moments, sublimes ; mais je pense que s’il est quelqu’un sûr de saisir et de conserver leur sublimité, c’est celui qui les aura pressentis d’imagination ou de génie, et qui les rendra de sang-froid. Cependant je ne nierais pas qu’il n’y eût une sorte de mobilité d’entrailles acquise ou factice ; mais si vous m’en demandez mon avis je la crois presque aussi dangereuse que la sensibilité naturelle. Elle doit conduire peu à peu l’acteur à la manière et à la monotonie. C’est un élément contraire à la diversité des fonctions d’un grand comédien ; il est souvent obligé de s’en dépouiller, et cette abnégation de soi n’est possible qu’à une tête de fer. Encore vaudrait-il mieux, pour la facilité et le succès des études, l’universalité du talent et la perfection du jeu, n’avoir point à faire cette incompréhensible distraction de soi d’avec soi, dont l’extrême difficulté bornant chaque comédien à un seul rôle, condamne les troupes à être très nombreuses, ou presque toutes les pièces à être mal jouées, à moins que l’on ne renverse l’ordre des choses, et que les pièces ne se fassent pour les acteurs, qui, ce me semble, devraient tout au contraire être faits pour les pièces.



·        LE METIER DE COMEDIEN


LE PREMIER : […] Il en est du spectacle comme d’une société bien ordonnée, où chacun sacrifie de ses droits primitifs pour le bien de l’ensemble et du tout. Qui est-ce qui appréciera le mieux la mesure de ce sacrifice ? Sera-ce l’enthousiaste ? Le fanatique ? Non, certes. Dans la société, ce sera l’homme juste ; au théâtre, le comédien qui aura la tête froide. C’est ici le lieu de vous parler de l’influence perfide d’un médiocre partenaire sur un excellent comédien. Celui-ci a conçu grandement, mais il sera forcé de renoncer à son modèle idéal pour se mettre au niveau du pauvre diable avec qui il est en scène.[…]. Il y a plus : la Clairon vous dira, quand vous voudrez, que Le Kain, par méchanceté, la rendait mauvaise ou médiocre, à discrétion ; et que, de représailles, elle l’exposait quelquefois aux sifflets. Qu’est-ce donc que deux comédiens qui se soutiennent mutuellement ?
[…] Mais avant de vous décider, permettez que je vous fasse une question. À quel âge est-on grand comédien ? Est-ce à l’âge où l’on est plein de feu, où le sang bouillonne dans les veines, où le choc le plus léger porte le trouble au fond des entrailles, où l’esprit s’enflamme à la moindre étincelle ? Il me semble que non. Celui que la nature a signé comédien, n’excelle dans son art que quand la longue expérience est acquise, lorsque la fougue des passions est tombée, lorsque la tête est calme, et que l’âme se possède. La Gaussin enchantait, dans l’Oracle et la Pupille, à cinquante ans.
LE SECOND
Elle n’avait guère le visage de son rôle.
LE PREMIER
Il est vrai ; et c’est là peut-être un des obstacles insurmontables à l’excellence d’un spectacle. Il faut s’être promené de longues années sur les planches, et le rôle exige quelquefois la première jeunesse. S’il s’est trouvé une actrice de dix-sept ans, capable du rôle de Monime, de Didon, de Pulchérie, d’Hermione, c’est un prodige qu’on ne reverra plus. Cependant un vieux comédien n’est ridicule que quand les forces l’ont tout à fait abandonné, ou que la supériorité de son jeu ne sauve pas le contraste de sa vieillesse et de son rôle. Il en est au théâtre comme dans la société, où l’on ne reproche la galanterie à une femme que quand elle n’a ni assez de talents, ni assez d’autres vertus pour couvrir un vice.
LE PREMIER
Si ces gens-là [=les acteurs] n’étaient pas capables de ces tours de force, c’est alors qu’il n’y faudrait pas aller. Ce que je vais vous raconter, je l’ai vu. Garrick passe sa tête entre les deux battants d’une porte, et, dans l’intervalle de quatre à cinq secondes, son visage passe successivement de la joie folle à la joie modérée, de cette joie à la tranquillité, de la tranquillité à la surprise, de la surprise à l’étonnement, de l’étonnement à la tristesse, de la tristesse à l’abattement, de l’abattement à l’effroi, de l’effroi à l’horreur, de l’horreur au désespoir, et remonte de ce dernier degré à celui d’où il était descendu. Est-ce que son âme a pu éprouver toutes ces sensations et exécuter, de concert avec son visage, cette espèce de gamme? Je n’en crois rien, ni vous non plus.. Est-ce qu’on rit, est-ce qu’on pleure à discrétion ? On en fait la grimace plus ou moins fidèle, plus ou moins trompeuse, selon qu’on est ou qu’on n’est pas Garrick.

  • REALITE ET VERITE AU THEATRE
LE PREMIER : Je dis plus : un moyen sûr de jouer petitement, mesquinement, c’est d’avoir à jouer son propre caractère. Vous êtes un tartuffe, un avare, un misanthrope, vous le jouerez bien, mais vous ne ferez rien de ce que le poète a fait ; car il a fait, lui, le Tartuffe, l’Avare et le Misanthrope.
LE SECOND : Quelle différence mettez-vous donc entre un tartuffe et le Tartuffe ?
LE PREMIER
Le commis Billard est un tartuffe, l’abbé Grizel est un tartuffe, mais il n’est pas le Tartuffe. Le financier Toinard était un avare, mais il n’était pas l’Avare. L’Avare et le Tartuffe ont été faits d’après tous les Toinards et tous les Grizel, du monde ; ce sont leurs traits les plus généraux et les plus marqués, et ce n’est le portrait exact d’aucun ; aussi personne ne s’y reconnaît-il. Les comédies de verve et même de caractères sont exagérées. La plaisanterie de société est une mousse légère qui s’évapore sur la scène ; la plaisanterie de théâtre est une arme tranchante qui blesserait
dans la société. On n’a pas pour des êtres imaginaires le ménagement qu’on doit à des êtres réels. La satire est d’un tartuffe, et la comédie est du Tartuffe. La satire poursuit un vicieux, la comédie poursuit un vice. S’il n’y avait eu qu’une ou deux Précieuses ridicules, on en aurait pu faire une satire, mais non pas une comédie. […]


  • LE COMEDIEN CAMELEON
LE SECOND : Le fils de Le Sage, père commun de toute cette plaisante famille...
LE PREMIER : …Faisait avec un égal succès Ariste dans la Pupille, Tartuffe dans la comédie de ce nom, Mascarille dans les Fourberies de Scapin, l’avocat ou M. Guillaume dans la farce de Patelin.
LE SECOND : Je l’ai vu.
LE PREMIER
Et à votre grand étonnement, il avait le masque de ces différents visages. Ce n’était pas naturellement, car Nature ne lui avait donné que le sien ; il tenait donc les autres de l’art. Est-ce qu’il y a une sensibilité artificielle ? Mais soit factice, soit innée, la sensibilité n’a pas lieu dans tous les rôles. Quelle est donc la qualité acquise ou naturelle qui constitue le grand acteur dans l’Avare, le Joueur, le Flatteur, le Grondeur, le Médecin malgré lui, l’être le moins sensible et le plus immoral que la poésie ait encore imaginé, le Bourgeois Gentilhomme, le Malade et le Cocu imaginaires ; dans Néron, Mithridate, Atrée, Phocas, Sertorius, et tant d’autres caractères tragiques ou comiques, où la sensibilité est diamétralement opposée à l’esprit du rôle ? La facilité de connaître et de copier toutes les natures. Croyez-moi, ne multiplions pas les causes lorsqu’une suffit à tous les phénomènes. Tantôt le poète a senti plus fortement que le comédien, tantôt, et plus souvent peut-être, le comédien a conçu plus fortement que le poète ; et rien n’est plus dans la vérité que cette exclamation de Voltaire, entendant la Clairon dans une de ses pièces : Est-ce bien moi qui ai fait cela ? Est-ce que la Clairon en sait plus que Voltaire ? Dans ce moment du moins son modèle idéal, en déclamant, était bien au-delà du modèle idéal que le poète s’était fait en écrivant, mais ce modèle idéal n’était pas elle. Quel était donc son talent ? Celui d’imaginer un grand fantôme et de le copier de génie. Elle imitait le mouvement, les actions, les gestes, toute l’expression d’un être fort au-dessus d’elle. […] Le poète avait engendré l’animal terrible, la Clairon le faisait mugir. Ce serait un singulier abus des mots que d’appeler sensibilité cette facilité de rendre toutes natures, même les natures féroces. La sensibilité, selon la seule acception qu’on ait donnée jusqu’à présent à ce terme, est, ce me semble, cette disposition compagne de la faiblesse des organes, suite de la mobilité du diaphragme, de la vivacité de l’imagination, de la délicatesse des nerfs, qui incline à compatir, à frissonner, à admirer, à craindre, à se troubler, à pleurer, à s’évanouir, à secourir, à fuir, à crier, à perdre la raison, à exagérer, à mépriser, à dédaigner, à n’avoir aucune idée précise du vrai, du bon et du beau, à être injuste, à être fou. Multipliez les âmes sensibles, et vous multiplierez en même proportion les bonnes et les mauvaises actions en tout genre, les éloges et les blâmes outrés.


  • SENSIBILITE ET TRAGEDIE
LE PREMIER
[…] Poètes, travaillez-vous pour une nation délicate, vaporeuse et sensible ? Renfermez-vous dans les harmonieuses, tendres et touchantes élégies de Racine ; elle se sauverait des boucheries de Shakespeare : ces âmes faibles sont incapables de supporter des secousses violentes. Gardez- vous bien de leur présenter des images trop fortes. Montrez-leur, si vous voulez, Le fils tout dégouttant du meurtre de son père, Et sa tête à la main demandant son salaire ; mais n’allez pas au-delà.
LE SECOND
Je suis tenté de vous interrompre pour vous demander ce que vous pensez de ce vase présenté à Gabrielle de Vergy, qui y voit le cœur sanglant de son amant.
LE PREMIER
Je vous répondrai qu’il faut être conséquent, et que, quand on se révolte contre ce spectacle, il ne faut pas souffrir qu’Oedipe se montre avec ses yeux crevés, et qu’il faut chasser de la scène Philoctète tourmenté de sa blessure, et exhalant sa douleur par des cris inarticulés. Les anciens avaient, ce me semble, une autre idée de la tragédie que nous, et ces anciens-là, c’étaient les Grecs, c’étaient les Athéniens, ce peuple si délicat, qui nous a laissé en tout genre des modèles que les autres nations n’ont point encore égalés. Eschyle, Sophocle, Euripide, ne veillaient pas des années entières pour ne produire que de ces petites impressions passagères qui se dissipent dans la gaieté d’un souper. Ils voulaient profondément attrister sur le sort des malheureux ; ils voulaient, non pas amuser seulement leurs concitoyens, mais les rendre meilleurs. Avaient-ils tort ? Avaient-ils raison ? Pour cet effet, ils faisaient courir sur la scène les Euménides suivant la trace du parricide, et conduites par la vapeur du sang qui frappait leur odorat. Ils avaient trop de jugement pour applaudir à ces imbroglios, à ces escamotages de poignards, qui ne sont bons que pour des enfants. Une tragédie n’est, selon moi, qu’une belle page historique qui se partage en un certain nombre de repos marqués.


  • CRITIQUE DU COMEDIEN : PANTIN MERVEILLEUX, COQUILLE VIDE, HYPOCRITE
LE PREMIER
Lorsque je t’objectai que ce n’était donc pas d’après toi que tu jouais, confesse ta réponse : ne m’avouas-tu pas que tu t’en gardais bien, et que tu ne paraissais si étonnant sur la scène, que parce que tu montrais sans cesse au spectacle un être d’imagination qui n’était pas toi ?
Un grand comédien n’est ni un piano-forté, ni une harpe, ni un clavecin, ni un violon, ni un violoncelle ; il n’a point d’accord qui lui soit propre ; mais il prend l’accord et le ton qui conviennent à sa partie, et il sait se prêter à toutes. J’ai une haute idée du talent d’un grand comédien : cet homme est rare, aussi rare et peut-être plus grand que le poète. Celui qui dans la société se propose, et a le malheureux talent de plaire à tous, n’est rien, n’a rien qui lui appartienne, qui le distingue, qui engoue les uns et qui fatigue les autres. Il parle toujours, et toujours bien ; c’est un adulateur de profession, c’est un grand courtisan, c’est un grand comédien.
LE SECOND
Un grand courtisan, accoutumé, depuis qu’il respire, au rôle d’un pantin merveilleux, prend toutes sortes de formes, au gré de la ficelle qui est entre les mains de son maître.
LE PREMIER
Un grand comédien est un autre pantin merveilleux dont le poète tient la ficelle, et auquel il indique à chaque ligne la véritable forme qu’il doit prendre.
LE SECOND
Ainsi un courtisan, un comédien, qui ne peuvent prendre qu’une forme, quelque belle, quelque intéressante qu’elle soit, ne sont que deux mauvais pantins ?
LE PREMIER
Mon dessein n’est pas de calomnier une profession que j’aime et que j’estime ; je parle de celle du comédien. […] Mais tournez les yeux autour de vous, et vous verrez que les personnes d’une gaieté continue n’ont ni de grands défauts, ni de grandes qualités; que communément les plaisants de profession sont des hommes frivoles, sans aucun principe solide ; et que ceux qui, semblables à certains personnages qui circulent dans nos sociétés, n’ont aucun caractère, excellent à les jouer tous.
Un comédien n’a-t-il pas un père, une mère, une femme, des enfants, des frères, des sœurs, des connaissances, des amis, une maîtresse ? S’il était doué de cette exquise sensibilité, qu’on regarde comme la qualité principale de son état, poursuivi comme nous et atteint d’une infinité de peines qui se succèdent, et qui tantôt flétrissent nos âmes, et tantôt les déchirent, combien lui resterait-il de jours à donner à notre amusement ? Très peu. Le gentilhomme de la chambre interposerait vainement sa souveraineté, le comédien serait souvent dans le cas de lui répondre : «Monseigneur, je ne saurais rire aujourd’hui, ou c’est d’autre chose que des soucis d’Agamemnon que je veux pleurer. »Cependant on ne s’aperçoit pas que les chagrins de la vie, aussi fréquents pour eux que pour nous, et beaucoup plus contraires au libre exercice de leurs fonctions, les suspendent souvent. Dans le monde, lorsqu’ils ne sont pas bouffons, je les trouve polis, caustiques et froids, fastueux, dissipés, dissipateurs, intéressés, plus frappés de nos ridicules que touchés de nos maux ; d’un esprit assez rassis au spectacle d’un événement fâcheux, ou au récit d’une aventure pathétique ; isolés, vagabonds, à l’ordre des grands ; peu de mœurs, point d’amis, presque aucune de ces liaisons saintes et douces qui nous associent aux peines et aux plaisirs d’un autre qui partage les nôtres. J’ai souvent vu rire un comédien hors de la scène, je n’ai pas mémoire d’en avoir jamais vu pleurer un. Cette sensibilité qu’ils s’arrogent et qu’on leur alloue, qu’en font-ils donc ? La laissent-ils sur les planches, quand ils en descendent, pour la reprendre quand ils y remontent ? Qu’est-ce qui leur chausse le socque ou le cothurne ? Le défaut d’éducation, la misère et le libertinage. Le théâtre est une ressource, jamais un choix. Jamais on ne se fit comédien par goût pour la vertu, par le désir d’être utile dans la société et de servir son pays ou sa famille, par aucun des motifs honnêtes qui pourraient entraîner un esprit droit, un cœur chaud, une âme sensible vers une aussi belle profession. Moi-même, jeune, je balançai entre la Sorbonne et la Comédie. J’allais, en hiver, par la saison la plus rigoureuse, réciter à haute voix des rôles de Molière et de Corneille dans les allées solitaires du Luxembourg. Quel était mon projet ? D’être applaudi ? Peut-être. De vivre familièrement avec les femmes de théâtre que je trouvais infiniment aimables et que je savais très faciles ? Assurément. […]  On a dit que les comédiens n’avaient aucun caractère, parce qu’en les jouant tous ils perdaient celui que la nature leur avait donné, qu’ils devenaient faux, comme le médecin, le chirurgien et le boucher deviennent durs. Je crois qu’on a pris la cause pour l’effet, et qu’ils ne sont propres à les jouer tous que parce qu’ils n’en ont point.
LE SECOND
On ne devient point cruel parce qu’on est bourreau ; mais on se fait bourreau, parce qu’on est cruel.
LE PREMIER
J’ai beau examiner ces hommes-là. Je n’y vois rien qui les distingue du reste des citoyens, si ce n’est une vanité qu’on pourrait appeler insolence, une jalousie qui remplit de troubles et de haines leur comité. Entre toutes les associations, il n’y en a peut-être aucune où l’intérêt commun de tous et celui du public soient plus constamment et plus évidemment sacrifiés à de misérables petites prétentions. L’envie est encore pire entre eux qu’entre les auteurs ; c’est beaucoup dire, mais cela est vrai. Un poète pardonne plus aisément à un poète le succès d’une pièce, qu’une actrice ne pardonne à une actrice les applaudissements qui la désignent à quelque illustre ou riche débauché. Vous les voyez grands sur la scène, parce qu’ils ont de l’âme, dites-vous ; moi, je les vois petits et bas dans la société, parce qu’ils n’en ont point.
LE PREMIER
Mon ami, il y a trois modèles, l’homme de la nature, l’homme du poète, l’homme de l’acteur. Celui de la nature est moins grand que celui du poète, et celui-ci moins grand encore que celui du grand comédien, le plus exagéré de tous. Ce dernier monte sur les épaules du précédent, et se renferme dans un grand mannequin d’osier dont il est l’âme; il meut ce mannequin d’une manière effrayante, même pour le poète qui ne se reconnaît plus, et il nous épouvante, comme vous l’avez fort bien dit, ainsi que les enfants s’épouvantent les uns les autres en tenant leurs petits pourpoints courts élevés au-dessus de leur tête, en s’agitant, et en imitant de leur mieux la voix rauque et lugubre d’un fantôme qu’ils contrefont.
Mais, par hasard, n’auriez-vous pas vu des jeux d’enfants qu’on a gravés ? N’y auriez-vous pas vu un marmot qui s’avance sous un masque hideux de vieillard qui le cache de la tête aux pieds ? Sous ce masque, il rit de ses petits camarades que la terreur met en fuite. Ce marmot est le vrai symbole de l’acteur ; ses camarades sont les symboles du spectateur. Si le comédien n’est doué que d’une sensibilité médiocre, et que ce soit là tout son mérite, ne le tiendrez-vous pas pour un homme médiocre ? Prenez-y garde, c’est encore un piège que je vous tends.
LE SECOND :  Et s’il est doué d’une extrême sensibilité, qu’en arrivera-t-il ?
LE PREMIER
 Ce qu’il en arrivera ? C’est qu’il ne jouera pas du tout, ou qu’il jouera ridiculement. Oui, ridiculement, et la preuve, vous la verrez en moi quand il vous plaira. Que j’aie un récit un peu pathétique a faire, il s’élève je ne sais quel trouble dans mon cœur dans ma tête ; ma langue s’embarrasse ; ma voix s’altère : mes idées se décomposent, mon discours se suspend ; je balbutie, je m’en aperçois ; les larmes coulent de mes joues, et je me tais. […]  Parce qu’on ne vient pas pour voir des pleurs, mais pour entendre des discours qui en arrachent, parce que cette vérité de nature dissone avec la vérité de convention. Je m’explique : je veux dire que, ni le système dramatique, ni l’action, ni les discours du poète, ne s’arrangeraient point de ma déclamation étouffée, interrompue, sanglotée. Vous voyez qu’il n’est pas même permis d’imiter la nature, même la belle nature, la vérité de trop près, et qu’il est des limites dans lesquelles il faut se renfermer.
LE SECOND : Vous savez qu’anciennement des acteurs faisaient des rôles de femmes ?
LE PREMIER : Je le sais.
LE SECOND
Aulu-Gelle raconte, dans ses Nuits attiques, qu’un certain Paulus, couvert des habits lugubres d’Electre, au lieu de se présenter sur la scène avec l’urne d’Oreste, parut en embrassant l’urne qui renfermait les cendres de son propre fils qu’il venait de perdre, et qu’alors ce ne fut point une vaine représentation, une petite douleur de spectacle, mais que la salle retentit de cris et de vrais gémissements.
LE PREMIER
Et vous croyez que Paulus dans ce moment parla sur la scène comme il aurait parlé dans ses foyers ? Non, non. Ce prodigieux effet, dont je ne doute pas, ne tint ni aux vers d’Euripide, ni à la déclamation de l’acteur, mais bien à la vue d’un père désolé qui baignait de ses pleurs l’urne de son propre fils. Ce Paulus n’était peut-être qu’un médiocre comédien ; non plus que cet Aesopus dont Plutarque rapporte que « jouant un jour en plein théâtre le rôle d’Atréus délibérant en lui-même comment il se pourra venger de son frère Thyestès, il y eut d’aventure quelqu’un de ses serviteurs qui voulut soudain passer en courant devant lui, et que lui, Aesopus, étant hors de lui-même pour l’affection véhémente et pour l’ardeur qu’il avait de représenter au vif la passion furieuse du roi Atréus, lui donna sur la tête un tel coup du sceptre qu’il tenait en sa main, qu’il le tua sur la place... » C’était un
fou que le tribun devait envoyer sur-le-champ au mont Tarpéien.
LE SECOND : Comme il fit apparemment.
LE PREMIER : J’en doute. Les Romains faisaient tant de cas de la vie d’un grand comédien, et si peu de la vie d’un esclave ! Mais, dit-on, un orateur en vaut mieux quand il s’échauffe, quand il est en colère. Je le nie. C’est quand il imite la colère. Les comédiens font impression sur le public, non lorsqu’ils sont furieux, mais lorsqu’ils jouent bien la fureur. Dans les tribunaux, dans les assemblées, dans tous les lieux où l’on veut se rendre maître des esprits, on feint tantôt la colère, tantôt la crainte, tantôt la pitié, pour amener les autres à ces sentiments divers. Ce que la passion elle-même n’a pu faire, la passion bien imitée l’exécute. Ne dit-on pas dans le monde qu’un homme est un grand comédien ?On n’entend pas par là qu’il sent, mais au contraire qu’il excelle à simuler, bien qu’il ne sente rien : rôle bien plus difficile que celui de l’acteur, car cet homme a de plus à trouver le discours et deux fonctions à faire, celle du poète et du comédien. Le poète sur la scène peut être plus habile que le comédien dans le monde, mais croit-on que sur la scène l’acteur soit plus profond, soit plus habile à feindre la joie, la tristesse, la sensibilité, l’admiration, la haine, la tendresse, qu’un vieux courtisan ? Mais il se fait tard.

Allons souper.
PROJET THEATRE – ANNEE 2014 -2015 –
CLASSE DE PREMIERE, OPTION DE SPECIALITE THEATRE - 
Professeur : Marie PONSOT

L'année de première vise à approcher les grandes esthétiques théâtreales et les théories du jeu de l'acteur, préparant le socle théorique nécessaire à l'exploration du programme limitatif de terminale.
L'effectif et la configuration du groupe étant à ce jour inconnu, le projet restera à préciser à la rentrée, je n'en donne que les grandes lignes.



I-                    SEPTEMBRE – OCTOBRE  - XVII-XVIIIème : LA NAISSANCE DU METIER DE L'ACTEUR , ou la
nécessaire conjugaison de l'ART et de l'ARTIFICE

1-      Travail de plateau : De la commedia dell'arte au théâtre de répertoire, ou du canevas à la pièce
Travail centré principalement sur 3 personnages : Matamore, Arlequin, Trivelin
Initiation à la grammaire physique des personnages de commedia – découverte des demi-masques de commedia
Textes à l'étude :
  • L'Illusion comique, de Corneille – Travail sur le personnage de Matamore, variante du Capitan
  • La Fausse suivante, de Marivaux – Travail croisé sur Arlequin et Trivelin, deux valets contrastés, variantes des deux personnages de commedia, Arlequin et Brighella
=> Des fragments de textes brefs, l'accent sera mis sur les codes de jeu et sur la notion de caractère qui définit ces personnages.
=> Travail sur la comedia dell’arte – grammaire gestuelle propre à chaque personnage
=> Travail sur la notion de costume : le costume célèbre d’Arlequin et les masques propres à la comedia amènent à se poser la question de la fonction du costume. Réflexion nourrie autour de documents iconographiques et d’un texte de Yannis Kokkos

2-      Support théorique - DIDEROT, Paradoxe sur le comédien

3-      METHODOLOGIE : Le carnet de bord et le compte-rendu de spectacle. Présentation de ces deux exercices inhérents à l’option de spécialité et obligatoires pour la passation du bac.

4-      Projet personnel : Réinventer le costume d’Arlequin, de Matamore et de Trivelin

Intervenant associé : Georges Besombes (sous réserve)




II- NOVEMBRE => FEVRIER -  1870-1950 – L'AVENEMENT DE LA MISE EN SCENE

1-      Travail de plateau : L'univers de Tchekhov, ou l'invention d'un jeu naturel
TCHEKHOV : La Mouette - Platonov
STANISLAVSKI : La Formation de l’acteur – travail sur des fragments de la méthode exposant les exercices inventés par Stanislavski

2-      Supports théoriques
  • TCHEKHOV ET STANISLAVSKI, un couple de théâtre qui signe l'avènement de la mise en scène moderne. Travail sur le documentaire de l'INA, "Le Siècle Stanislavski"
  • STANISLAVSKI, inventeur de "la méthode" : Deux principes fondateurs, la construction du personnage et la formation de l'acteur. Exploration au plateau de la méthode mise au point par Stanislavski

3-      METHODOLOGIE : Présentation de l’épreuve écrite :
  • le sujet de type I – le sujet de création. L’accent sera mis plus précisément sur les outils de diffusion et d’accompagnement du spectacle : Affiches, programmes, notes d’intention.
ð  On envisage un travail sur des affiches en lien avec la programmation du Parvis
  • Le sujet de type II – le sujet de réflexion. L’accent sera mis sur la question du personnage et de sa « construction » // Stanislavski
  
Intervenants associés :
Georges Campagnac, du groupe Merci
Jürgen Gennuit, de la compagnie Théâtr’Action




III-                MARS => JUIN – D’HIER A AUJOURD’HUI : DECONSTRUCTION, RECOMPOSITION

1-      Travail de plateau : A définir encore, en fonction de la configuration du groupe.
Textes de Koltès, Mouawad, Melquiot, Daniel Keene,
Textes de Pommerat, La Réunification des deux Corées et Cet enfant, pour envisager un autre aspect de l’œuvre de Pommerat, dont la pièce Cendrillon sera abordée en terminale dans le cadre du programme limitatif pour le bac.
Projet à définir encore,  en fonction de la dynamique du groupe.
Piste de travail envisagée : Théâtre de l’intime et du quotidien, Théâtre de la famille  (cf programmation du Parvis, TGStan et Christian Rizzo + Résidence du Théâtre Décomposé, L’Instant)

2-      Supports théoriques
  • Lecture de textes d'ARTAUD et de Brecht : Comprendre le théâtre de la cruauté et la distanciation  brechtienne
  • Présentation des enjeux et de la pluralité de la mise en scène moderne et contemporaine, à travers quelques grands noms : Vitez, Chéreau, Brook, Ostermeyer, Mnouchkine.
  • Le cas particulier d’Ariane Mnouchkine et du Théâtre du Soleil : Visionnage du spectacle de Mnouchkine, Les Ephémères, qui questionne l’intime, le quotidien et la famille. Présentation du théâtre du Soleil : Itinéraire d’une troupe et d’un projet hors du commun. Travail sur la notion aujourd’hui de troupe, de collectif, de mise en scène. 

3-      METHODOLOGIE : L’accent sera mis sur les deux notions majeures de MISE EN SCENE et de SCENOGRAPHIE.



Intervenant associé : Jean-Marie Broucaret, de la compagnie du Théâtre des Chimères




1ère 2 L/ES - LE CARNET DE BORD DU COURS DE FRANÇAIS  

La classe de première et la préparation au bac de français supposent de nombreuses lectures et activités, je vous propose cette année de les inscrire dans un carnet – individuel et donc personnel. Certaines lectures seront obligatoires, d’autres facultatives. Vous pourrez également ajouter vos lectures personnelles.
Les éclairages complémentaires : visionnage de films ou de pièces de théâtre, sorties culturelles, figureront également dans votre carnet de bord.
La tenue de ce carnet de bord est obligatoire, vous le présenterez au jury le jour de l’épreuve orale de l’EAF.
 Pour chaque œuvre à présenter, je vous propose les rubriques suivantes :
  • Un résumé de l’œuvre, de 5 à 10 lignes. Ce résumé doit être personnel, et même hautement subjectif…
  • Deux morceaux choisis – vous indiquerez les raisons de votre choix (Pas de commentaire de texte, il s’agit de commenter ce qui vous plait ou déplait  dans chacun des morceaux choisis)
  • Rédaction d’un article – critique littéraire – du livre (20 lignes environ) – ces articles seront régulièrement évalués
  • Revue de presse : il s’agit de collecter des citations – célèbres ou anonymes – commentant l’œuvre
  • Facultatif : Illustration de l’œuvre – sous forme de dessins, photographies, collages… Vous pouvez illustrer une scène, un lieu, un personnage…
ð  Le carnet de bord doit comprendre un sommaire qui présentera la liste des lectures et leur ordre d’inscription dans le carnet – une pagination du carnet est donc nécessaire.
ð  Chaque œuvre occupera entre 3 à 5 pages du carnet. Vous utiliserez comme support un carnet ou cahier, de votre choix.




LISTE DES LECTURES IMPOSEES

-          SERIE L : Les heures, Michaël CUNNINGHAM
-         ES/L :  Moderato Cantabile, Marguerite Duras
-         ES/L :  J’irai cracher sur vos tombes, Boris Vian
-          ES/LDiscours de la servitude volontaire, La Boétie
-          ES/LDictionnaire des idées reçues, Flaubert
-          SERIE L :Parle-leur de rois, de batailles et d’éléphants, Mathias Enard
-          ES/L Roberto Zucco, Bernard-Marie Koltès
-          ES/LIncendies, de Wajdi Mouawad
-         ES/L :  Œuvres complètes, Rimbaud ( l’édition choisie doit obligatoirement comprendre Les Cahiers de Douai, les Poésies, les Illuminations, les Lettres du Voyant et Une saison en Enfer)
-          SERIE L Les Fleurs du Mal, Baudelaire (édition au choix)


Lectures conseillées 
La liste qui suit est non exhaustive et très subjective, elle sera enrichie au cours de l’année;  les astérisques signalent les œuvres de littérature étrangère. 
Cette liste se limite volontairement à des œuvres de fiction modernes et contemporaines, elle n’inclut pas les œuvres classiques, que vous connaissez déjà…)

-          Aragon, Aurélien
-          L.F Céline, Voyage au bout de la nuit OU Mort à crédit
-          André Gide, Les Faux-monnayeurs
-          *Jane Austen, Orgueils et préjugés
-          *, Joyce Carol OATES Délicieuses pourritures, ou  tout autre roman de cette auteure
-          * Haruki Murakami,  A l’ouest du soleil, au sud de la frontière OU La Ballade de l’impossible, ou tout autre roman de cet auteur
-          *Vladimir Nabokov, Lolita
-          *Gogol, Nouvelles de Saint-Petersbourg
-          Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude
-          Jérome Ferrari , Un Dieu un animal  (Editions Babel,  ou Sermon sur la chute de Rome (prix Goncourt 2013)
-          Dans les rapides, ou Naissance d’un pont, de Maylis de Kerangal
-          * Georges Orwell, 1984
-          * Michaël Collins, Les âmes perdues
-          * Jonathan Safran Foer, Tout est illuminé
-          * Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique   OU Tendre est la nuit
-          **John Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles
-          * Craig DAVIDSON,  De rouille et d’os (nouvelles)
-          **Jean Echenoz, Les grandes blondes  OU Lac
-          * Stieg Larson, Millenium
-          * Carson Mac Cullers, Le cœur est un chasseur solitaire
-          * Tolstoï, Anna Karénine
-          * Jane Smiley, Un appartement à New-York
-          Tonino Benaquista, Saga ou tout autre roman de cet auteur
-          *Paul Auster, L’invention de la solitude OU Moon Palace  ou tout autre roman
-          * Stefan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme OU Amok
-          *Michaël Boulgakov, Le maître et Marguerite
-          *Keyes, Des Fleurs pour Algernon
-          Wajdi Mouawad, Visage retrouvé